S'inventer un autre jour
de Anne Bert

critiqué par Débézed, le 22 octobre 2013
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Le droit au désir
« Elle aimait Mozart et les Beatles », non, non, je me trompe de love story, elle aimait un acteur et les beaux textes, surtout sa façon de réciter ces beaux textes, mais elle perd, suite à un accident, la possibilité d’atteindre l’orgasme et se venge cruellement sur le responsable de ce handicap. Tom a été abusé par sa tante, il en a gardé un profond dégoût pour les femmes sauf celles qui se décomposent à l’approche de la mort et qu’il accompagne dans leur dernier souffle. L’homme-chien a tout perdu, il vit avec son chien, dans la marge, il refuse même les avances d’une bourgeoise qui veut vivre avec lui son fantasme d’étreindre un SDF. Madame devient veuve mais ne peut se séparer de son mari, elle se donne à un autre sur sa tombe pour perpétuer leurs gestes d’amour. Accro à l’image d’une rue qu’une fille transmet chaque matin sur son blog avec un petit message, il découvre avec surprise que cette femme virtuelle aurait pu être plus réelle pour lui. Odile tombe dans les rets d’un voyeur en cédant à ses exigences et y prend un réel plaisir. Dans ces six nouvelles Anne Bert met en scène des personnages qui ne vivent pas leur sexualité comme la majorité des femmes et des hommes qui déambulent dans les rues, ils vivent le handicap ou dans la marge, préfèrent la morbidité, la nécrophilie, le fétichisme ou la virtualité, tous ont des désirs, des fantasmes, des envies sexuelles comme la majorité des êtres humains. Le fil rouge qui relie ces histoires, morbides qu’érotiques, est ce besoin qu’ont tous les handicapés, paumés, déviants (ou présentés comme) d’avoir et de vivre une sexualité même si elle est différente de celle des autres.

Ces textes pourraient figurer dans le catalogue de n’importe quel éditeur, ils ne sont jamais indécents seulement durs, cruels, charnels, sensuels, ils disent des mondes qu’on n’aime pas voir, pas regarder, les monde de la marginalité et de la différence qui choquent nos penchants bien pensants. Le talent d’Anne Bert lui permet de nous emmener au fond d’histoires difficilement supportables mais tellement réelles, des histoires comme les médias en relatent quotidiennement. Son écriture fluide, forte, violente quand il le faut, sensuelle si c’est nécessaire, lui permet d’explorer les mondes les plus glauques sans jamais sombrer dans la sordidité ni la répugnance. Elle nous montre seulement que la sexualité est une fonction charnelle, physiologique, psychique et finalement vitale qui ne concerne pas que les starlettes et les bellâtres dénudés qui s’exhibent dans les magazines ou sur la Toile mais tout le monde même les moches, les handicapés, les malades, les pauvres, … et que les fantasmes peuvent planter leurs racines là où on ne l’aurait jamais cru. Les phéromones peuvent entraîner dans leur danse endiablée, comme dans un ballet de Walpurgis, tous les êtres sexués sans aucune préférence, l’amour est pour tout le monde même si certains disent le contraire et en font même une religion.