Siméon l'Ascenseurite : Roman avec anges et Moldaves de Petru Cimpoesu

Siméon l'Ascenseurite : Roman avec anges et Moldaves de Petru Cimpoesu
(Simion liftnicul, roman cu îngeri si moldoveni)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Pucksimberg, le 22 octobre 2013 (Toulon, Inscrit le 14 août 2011, 44 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 6 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 4 étoiles (49 007ème position).
Visites : 4 083 

Une H.L.M roumaine reçoit la visite d'un ange ...

L'ascenseur d'une H.L.M est tombé en panne. Le cordonnier Siméon est enfermé à l'intérieur et ne veut plus sortir de cet espace clos dans lequel il prie et serait en relation avec le Ciel ! Tous les voisins sont intrigués par cet homme et son choix. Ils écoutent avec une grand attention ses paraboles. Par ce biais, Petru Cimpoeşu présente de nombreux habitants dans la Roumanie d'après Ceausescu. Avec un talent net, l'auteur permet de balayer des problèmes de société roumains, des histoires d'amour, des réflexions sur la littérature, sur la religion ...

Ce roman est tout simplement passionnant et est un roman qui fera date. Il est d'une densité incroyable, amusant, intelligemment fait et construit. Le roman se divise en quatre parties, elles-mêmes composées de courts chapitres qui permettent de passer d'un personnage à l'autre. Les noms des personnages sont des renvois à de grandes figures religieuses, et invitent à lire ces épisodes à cette lumière. Si l'on ne possède pas cette culture, cela ne gêne aucunement. De nombreux épisodes historiques ou faits divers sont évoqués grâce à la diversité des personnages dépeints : M.Septime le professeur accusé d'avoir eu un rapport charnel avec l'une de ses élèves, M.Jean le régisseur, Thémistocle l'élève très intelligent, Mlle Zénobie son professeur, M.Nicostrate le professeur de yoga dont les pratiques sont plus sexuelles que spirituelles et plein d'autres personnages.

Petru Cimpoeşu a le sens du rythme et le lecteur ne s'ennuie pas une seule seconde. On passe avec un certain plaisir d'un personnage à l'autre, d'un sujet à l'autre, de réflexions politiques à des situations embarrassantes pour cacher une relation amoureuse. Le lecteur rit, découvre aussi la mentalité roumaine et voyage par ce livre d'une grande qualité. Un des points forts de ce roman repose aussi sur le style : l'auteur adapte son expression aux épisodes narrés afin d'être le plus en accord possible avec les personnages décrits.

J'ai quitté avec des regrets ce roman, laissant ces personnages et cette vivacité romanesque que j'affectionne. Petru Cimpoeşu est un très grand romancier. Certaines paraboles créées pour ce roman sont remarquables ( celle de Jésus qui devrait se présenter aux élections présidentielles roumaines ... )

"Il m'est avis, bien au contraire, que nous fassions la même erreur, sauf que notre fortune à nous, la seule véritable et la plus précieuse, c'est le temps : nos centimes à nous, ce sont les secondes et les minutes, alors que nos billets de banques s'estiment en jours, en semaines et en années - un Don que le bon Dieu nous octroie, par Son amour sans bornes pour les hommes. Et nous autres, qu'est-ce qu'on en fait ? Tant qu'on est jeunes, on le gaspille, comme s'il ne valait rien, le fricassant en bagatelles ; puis, sur nos vieux jours,quand, enfin, on s'avise de faire nos comptes, on s'affole à voir combien peu il nous en reste."

Un roman parodique, satirique et profondément humain.

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Manque d'affinités avec le traitement

5 étoiles

Critique de Myrco (village de l'Orne, Inscrite le 11 juin 2011, 74 ans) - 12 décembre 2016

Cimpoesu vise ici, à travers le microcosme que constituent les habitants d'un même immeuble, à nous présenter un tableau de l'état de déboussolement de la société roumaine dans la période de transition qui succéda à la chute des Ceaucescu (la première édition de l'ouvrage, date en réalité de 2001). Si le regard s'avère dénonciateur et sans concessions, voire assez pessimiste, la forme, elle, frise la farce un peu déjantée, mêlant aspects réalistes et irréalistes, le tout conté avec un humour tantôt léger, tantôt caustique donnant lieu à nombre de remarques savoureuses.

Sont pointés divers traits médiocres qui caractérisent alors les mentalités de gens qui, à la fois, n'ont pas encore dépassé des comportements hérités du communisme et qui, à la faveur du déverrouillage de la société ont tendance à révéler des aspirations ou comportements peu glorieux. L'auteur dénonce ainsi plus particulièrement les motivations qui sous-tendent le "retour au religieux". Evoquant ses compatriotes pratiquants, son personnage de Siméon déclare: "beaucoup n'y vont (à l'église) que parce qu'ils auraient besoin d'un nouveau Ceaucescu. Pour eux, Dieu n'est que son substitut (...) si Ceaucescu n'était pas mort, ils n'auraient jamais eu envie d'aller à l'église!" Est soulignée en particulier l'incohérence entre cette nouvelle fièvre religieuse et une morale pour le moins laxiste, et fustigée la petitesse mesquine dans le rapport à un Dieu dont on attend seulement des miracles sans rien donner en retour.

Pourtant, je dois avouer que cette lecture m'a vraiment été pénible et, qu'à l'instar de Marvic, j'ai dû me forcer pour aller jusqu'au bout. Seules les 70 dernières pages (dont le chapitre "Jésus viendra-t-il en Roumanie") m'ont vraiment séduite. En effet, si j'ai trouvé le roman intéressant sur le fond, je n'ai pas été convaincue par le traitement (et c'est un euphémisme!). L'ouvrage souffre (à mon sens) d'un aspect un peu trop confus, encombré de scories qui nous détournent du propos central sans que l'on en saisisse toujours l'intérêt dans la perspective de celui-ci: personnages entre lesquels on se perd, petites histoires de leur quotidien dont l'insignifiance n'accroche pas; certaines élucubrations (du monsieur dont on tait le nom) ont suscité mon ennui, même si elles ne sont peut-être pas aussi farfelues qu'elles en ont l'air, à condition d'avoir envie de les approfondir.
Il est fait souvent référence à un contexte trop roumo-roumain pour parler au lecteur étranger que nous sommes.
Enfin et peut-être surtout, il est clair que je n'ai guère été réceptive à cette alliance de tonalité un peu burlesque et de coloration religieuse pour laquelle a opté l'auteur.

Problème d'affinités personnelles donc, qui ne prétendent pas remettre en cause les qualités intrinsèques de l'ouvrage qui pourra plaire, si l'on en juge par l'enthousiasme de Pucksimberg et les louanges dont a bénéficié un auteur reconnu comme un des grands écrivains roumains actuels.

Consciencieusement

3 étoiles

Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 65 ans) - 25 septembre 2016

Il m'en a fallu de la conscience "professionnelle" pour arriver au bout de ce roman. Grâce (?) à la critique de Tistou et l'enthousiasme de Pucksimberg, je me suis décidée à poursuivre la lecture après la cinquantième page. Et il me faudra atteindre la page 98 pour que Siméon entre en scène et devienne le personnage central.

J'avoue n'avoir ressenti aucun intérêt au début pour cette galerie de personnages dans un HLM roumain.
Puis, j'ai commencé à être amusée par Melle Zénobie, professeur (et élève !), Thémistocle, jeune garçon orphelin, élève brillant (sauf dans le domaine de l'âme), M. Nicostrate, professeur de kamasutra, M. Elie et sa moto, M. Jean, le régisseur bien ennuyé et bien d'autres aux vies quelquefois très compliquées...
Il m'est arrivé de sourire, comme pour la création ( pas facile!) du Parti des Indécis, aux paraboles de Siméon…
Arrivée aux 150 dernières pages, la lecture m'a semblé plus facile, plus alerte.

Mais je reconnais m'être souvent perdue dans les mots, les phrases, les réflexions théologiques ou philosophiques et quelquefois dans un vocabulaire complexe. (problème de traduction ?).
"La demoiselle avait enjoint à ses élèves de la solliciter, chaque fois, qu'ils tomberaient sur un mot qu'ils ne comprendraient pas. Car c'est de là que naissent la plupart des malentendus entre les hommes, et le diable lui-même, s'insinue dans le monde sous la forme de propos équivoques en apparence inoffensifs. Dès qu'un seul mot d'une phrase vous semble flou, la phrase toute entière s'en charge d'une dangereuse ambiguïté, qui retombe sur tous les autres mots, détournant leur sens, de sorte que l’énoncé le plus simple finit par en devenir énigmatique et confus, à l'instar d'un rêve dont on ne se rappelât plus grand-chose – à notre réveil, on voudrait le décrire, mais on ne voit pas trop comment. La capacité de perception est conditionnée de la même manière, chez la plupart des humains. Ils entendent, de fait, non pas ce qu'on leur dit, mais uniquement ce qu'ils comprennent à ce qu'on leur dit."

L'auteur fait preuve d'un sens certain de l'autodérision, livrant une vision acide de son pays, mais Dieu ne pouvait pas être partout !
Un avis donc très mitigé pour une lecture qui m'a demandé un considérable effort.

Petites chronique de la Roumanie urbaine post – Ceaucescu

7 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 67 ans) - 2 avril 2016

Théâtre de l’ombre dans un immeuble HLM, un peu dans la veine d’un « Godot » roumain au petit pied avec un Siméon qu’on ne verra pas même s’il intervient, omniprésent dans ces chroniques, qui permet à Petru Cimpoesu de passer en revue quelques caractéristiques et travers de la société roumaine post-Ceaucescu.
Car il ne faut pas s’y tromper, l’histoire, autant merveilleuse (au sens médiéval du terme) qu’improbable, n’est que prétexte à Petru Cimpoesu de détailler certaines particularités de cette société roumaine confrontée – il faut bien le dire – à des problèmes plutôt complexes, s’agissant d’une société qui a vécu un paquet d’années après – guerre sous l’étouffoir soviétique et à la botte d’un dictateur qui se disait communiste ( !), qui s’est « libérée » un brin brutalement et a intégré une Union Européenne dans des conditions d’impréparation … remarquables ( !). Cela dit, au temps du roman (situé en 1997), la Roumanie n’était pas encore dans ce contexte Union Européenne …
Oui, l’histoire n’est que prétexte. Et quelle est-elle ?
Siméon, le Stylite (oui, Petru Cimpoesu a pris le parti d’associer à chaque personnage une référence religieuse, mais ceci m’a paru accessoire), habite le rez – de – chaussée d’un HLM de plus de huit étages. Il est cordonnier mais lorsque le roman attaque, il s’est enfermé dans l’ascenseur et l’a bloqué au huitième étage. A l’instar du Saint - Siméon le Stylite, donc - il s’est enfermé là – haut pour protester, pour mettre chacun devant ses responsabilités, protester contre le chacun-pour-soi de cet HLM, de cette société roumaine. Accessoirement il complique sérieusement la vie de ses congénères HLMiens, surtout ceux qui ont besoin de l’ascenseur !
Et Petru Cimpoesu va convoquer par courts chapitres des habitants emblématiques de cet HLM confrontés à la situation et va nous parler, au hasard, de : relations adultères, d’un régisseur plus politicien qu’efficace, de pratiques érotico-religieuses, de réflexions politiques post-Ceaucescu aux petits bras, et d’éléments de la vie quotidienne misérable de citoyens d’un pays qui a du mal à se remettre d’une période d’étouffement du pays, …
Il y a donc relative pléthore de personnages dont nous suivons l’évolution et l’histoire au fil des trois jours pendant lesquels Siméon va rester enfermé dans l’ascenseur, acquérant bizarrement de ce fait un statut de quasi Saint, dont les avis font autorité.
C’est une fable, indéniablement. S’agissant de la connaissance de la vie au quotidien en Roumanie, je le rapprocherais de « La petite communiste qui ne souriait jamais », de Lola Lafon, mais dans un genre différent, plus « parabolique » !

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