Un taxi pour Sherbrooke de Monique Le Maner

Un taxi pour Sherbrooke de Monique Le Maner

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Libris québécis, le 16 octobre 2013 (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans)
La note : 7 étoiles
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Un don de voyance exceptionnel

Yolande Sirois-Dufour peut prédire avec certitude le jour du grand départ en scrutant les yeux des moribonds de l’hôpital de Saint-Jérôme. Paraît-il qu’au moment crucial des adieux définitifs, on discerne une petite braise qui se consume dans les yeux. Bref, Yolande est une voyante, dont l’art est peu répandu.

Tous les mercredis, elle s’emmène au centre hospitalier de sa ville. C’est toute une trotte qui l’essouffle. Peu importe, elle est fidèle au poste. En plus de cet exercice divinatoire auprès des moribonds, elle cultive son don auprès de deux clients saugrenus qui la consultent contre rémunération. Mathilde Bouchard veut connaître le jour de sa mort pour s’envoler vers Dieu en odeur de sainteté tandis que Léo Duplantie-Gaboriau, un adolescent encore aux couches, voudrait bien mourir pour fuir l’ennui de sa vie d’orphelin.

Mais ce qui devait arriver arriva. Yolande perd son don. À la suite d’une vision, elle accuse l’un ou l’autre de ses amis de jeunesse de lui y avoir volé. Elle compte bien le récupérer en se rendant chez Christian, dit Cricri, qui habite en Abitibi ou chez Dany, le cas échéant, qui habite à Chibougamau. C’est avec Philon de la Barre, un chauffeur de taxi, qu’elle entreprend ce long périple. Mathilde et Léo insistent pour l’accompagner. Le voyage s’annonce long et pénible avec une Mathilde bougonneuse et un Léo nauséabond avec ses couches.

Tous ces personnages mènent une vie d'ermite peu constructive. C’est triste quand les fins dernières deviennent l'unique attente. Au lieu de profiter de l’existence, ils marchent en marge du bonheur. Arriveront-ils à se tirer des ornières qu’ils suivent ? C’est le dilemme de ce roman, qui est un plaidoyer sous-entendu en faveur de la vie. Comme Daniel-Rops, Monique Le Maner s’aligne contre le triomphe de la mort. Pour combattre une telle éventualité, elle a concocté un voyage qui conduira les personnages de Saint-Jérôme, situé au pied des Laurentides, vers Lasarre, Chibougamau, Québec et Sherbrooke. Bref, le roman déroule de longs rubans d’asphalte comme un « road trip » salvateur.

C’est un défi que de troquer ses vieilles godasses pour des chaussures plus propices à la marche vers un destin significatif. Où se cache le maudit bonheur ? Pour le débusquer, il faut arrêter de scruter les horizons funestes. Pourquoi le destin ne découlerait-il pas des moments heureux de l'enfance ? En somme, cette œuvre est une quête de soi qui longe les chemins de la mort.

Cette exhortation se moule à une légèreté de ton pour rendre l’atmosphère du roman un tantinet fantasmagorique. Le chauffeur de taxi est l’homme tout désigné pour indiquer la route à suivre à ces personnages plutôt disjonctés. Et ce voyage thérapeutique en leur compagnie est des plus amusant. Tous affichent un petit air étrange qu’un chauffeur de taxi doit percevoir à l’occasion pendant ses courses à travers la ville qu’il dessert, voire ici, la province presque entière.

Ce roman divertissant est plein de sagesse même s’il véhicule des personnages étouffés par un monde délirant. C’est d’autant plus intéressant que l’auteure trace d’une plume assurée le profil psychologique de chacun.

E-mail que l'auteure m'a envoyé :
Monique Le Maner Lepage Les passagers du taxi (et même le chauffeur) vous félicitent d'avoir si bien compris leur voyage.

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