Petites scènes capitales de Sylvie Germain

Petites scènes capitales de Sylvie Germain

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Deashelle, le 8 octobre 2013 (Tervuren, Inscrite le 22 décembre 2009, 15 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 8 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (2 802ème position).
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le vol d'un papillon

Si on ne connaissait pas Sylvie Germain avant de terminer en quelques grandes heures de savoureuse lecture ses « Petites scènes capitales » (Albin Michel) on se précipitera certainement après un tel bonheur d’écriture pour découvrir ses autres romans qu’elle écrit depuis bientôt trente ans. A commencer par son Prix Femina en 1989 pour « Jours de colère », puis le Grand Prix Jean Giono en 1998 pour « Tobie des Marais », et le Prix Goncourt des lycéens en 2005 pour « Magnus » (Albin Michel). Elle a en outre reçu le Prix Jean Monnet de littérature européenne en 2012 et le Grand Prix SGDL de littérature 2012 pour l’ensemble de son œuvre. Chez Albin Michel, elle a publié aussi «L’inaperçu» (2008), «Hors champ» (2009), «Le monde sans vous» (2011), un hommage à ses parents et «Rendez-vous nomades» (2012). Elle vient d’être élue à l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique au fauteuil de Dominique Rolin.

Dans une langue superbe, et des éclats d’émotion à vif, Sylvie Germain raconte la vie d’une petite fille inaperçue à la veille des années 68 qui vit seule avec son papa et n’a de sa mère qu’une photo usée en noir et blanc. Mais le père rencontre et épouse une nouvelle mère comme dans les contes de fées, la belle Vivianne, mère de quatre enfants. Et la suite c’est comme dans les contes de fées : bourré de petits drames qui deviennent grands. Comment trouver sa place dans cette famille recomposée qui ne cesse de se briser et de se décomposer ? Comment atteindre ou toucher le cœur du père ? Comment trouver qui elle est : Lili ou Barbara ? La question du nom est d’une importance si capitale, dès qu’il s’agit d’identité ! Comment mûrir sauvagement en secret et dans un cadre familial imposé étouffant, comment devenir femme libre et quelque peu apaisée ?

Le roman est composé à la façon de miroitements que la plume de Sylvie Germain sait capter avec grande intuition. Son instinct d’écrivain lui fait saisir la petite scène éphémère et anodine qui aura une importance capitale dans le parcours initiatique de la jeune-fille. Dès que le lecteur a compris le procédé, il se passionne, et entre à son tour dans l’imaginaire très fertile de la jeune fille. Les arrêts sur image sont autant d’étapes de la constitution d’une personnalité. Ils sont faits de bonheurs, de deuils, de brisures de tensions et de refuges dans la solitude. Et les questions sont universelles : Qui suis-je, d’où je viens ? Tel un papillon elle cherche la lumière dans la nuit des traumatismes et des silences qui l’entourent. Le besoin d’amour est fondamental : « L’amour, ce mot ne finit pas de bégayer en elle, violent et incertain. Sa profondeur, sa vérité ne cessent de lui échapper, depuis l’enfance, depuis toujours, reculant chaque fois qu’elle croit l’approcher au plus près, au plus brûlant. L’amour, un mot hagard. »

L’écriture est légère, fine, précieuse comme le vol d’un papillon rare et le poudroiement de ses ailes. Epinglez cette lecture qui est inscrite dans les livres choisis pour l’attribution du Goncourt 2013.

http://albin-michel.fr/Petites-scenes-capitales-EA…

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Redescendons sur terre

1 étoiles

Critique de Le lucide (, Inscrit le 6 juillet 2014, 82 ans) - 6 juillet 2014

A quoi bon s'extasier devant ce vain bavardage ? L'excellent Magnus ne nous avait pas habitué à un pédantisme aussi flagrant. La débauche de style, mécanique (et oui, 1,2,3 épithètes...) et outré, ne fait que souligner la vacuité du propos. L'harmonie qui se dégage des grandes œuvres poétiques laisse place ici à un assemblage laborieux de termes, s'entrechoquant sans cohérence, dissonants à l'extrême, tout juste un abrégé du dictionnaire passé au crible d'un algorithme aléatoire. Le premier élément du titre aurait dû nous mettre la puce à l'oreille, voilà bien la valeur de ce travail. Nous sommes au regret de constater qu'en refermant ce livre, nous n'éprouvons pas la sensation de manque, que laisse une grande œuvre, dont on a atteint la fin, mais un intense soulagement, l'épreuve est derrière nous.

Une petite fille transparente

8 étoiles

Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 65 ans) - 22 juin 2014

Lili, Liliane, Barbara est une petite fille solitaire. Abandonnée par sa mère alors qu'elle avait 11 mois, elle vit les premières années de sa vie entre son affectueuse grand-mère Nati, et son père Gabriel.
Jusqu'au jour où Gabriel va rencontrer la belle Viviane, va l'épouser.
La vie de Lili va basculer car Viviane est maman de 4 enfants, dont des jumelles qui n'ont qu'un jour de différence avec elle. Elle, la réservée, va devenir "la pièce rapportée" de cette étrange famille, observatrice de la vie de tous ces gens qui vivent et meurent dans son entourage.
"Il n'y a jamais eu en elle rien de remarquable, d'original, elle est d'une beauté quelconque, d'une intelligence normale, d'un caractère pondéré, sans talent particulier, bref, une fille ordinaire. Signe distinctif: aucun. Si, un : plaquée par sa mère à l'âge de onze mois."
Avec beaucoup de pudeur, mais aussi une certaine distance, nous allons suivre la vie de Lili, de cette petite orpheline, jusqu'à la maturité d'une femme réconciliée avec elle-même.

Je retrouve dans ce roman la même façon discrète d'observer les autres que dans le premier titre que j'avais lu de Sylvie Germain, "Magnus".
Mais je ne me souviens plus si j'avais, dans le livre précédent, remarqué la qualité et la recherche de l'écriture ainsi que le talent poétique de l'auteure.

histoire d'une famille recomposée et décomposée..

9 étoiles

Critique de Darius (Bruxelles, Inscrite le 16 mars 2001, - ans) - 11 avril 2014

On se plait à rêver de pouvoir un jour écrire aussi bien, de décrire aussi poétiquement des situations.

Un seul bémol, pourquoi avoir ajouté cette scène où la fille ainée, Jeanne-Joy, fille sage et disciplinée pénètre une nuit, dans la chambre du père ivre mort où elle se donne à lui ? Un peu comme un film qui voudrait à tout prix appâter le spectateur par une scène trash qui n’a rien à voir.

Un chapitre en trop, le dernier chapitre qui tombe comme un cheveu dans la soupe et complètement décalé par rapport à l’histoire. Comme si on avait voulu, à tout prix, rajouter 5 pages de plus.

Mis à part ces deux remarques, j’ai apprécié Sylvie Germain dont c’est mon premier livre. Et je constate qu’elle en a rédigé plus de 40.. dont quelques uns ont été primés.

La magie des mots

10 étoiles

Critique de Pascale Ew. (, Inscrite le 8 septembre 2006, 56 ans) - 9 décembre 2013

Comment faire d’une vie de la poésie, même si cette vie n’a rien de poétique ?
Par tableaux, Sylvie Germain nous raconte la vie de Lili. L’auteure décrit très bien les carences affectives dont souffre Lili dans son enfance et sa jeunesse, qui vont conditionner sa vie adulte où elle a du mal à s’ancrer et à se stabiliser. Elle nous fait ressentir très fortement l’univers de Lili, par tous les sens et tous les sentiments. Le texte est dense, fouillé ; c’est du concentré de littérature, presque de la poésie. C’est plein de philosophie et de simplicité, mais c’est un véritable petit bijou !!!

Heurts et malheurs d’une famille recomposée

8 étoiles

Critique de Ori (Kraainem, Inscrit le 27 décembre 2004, 88 ans) - 2 décembre 2013

Sylvie Germain nous raconte, avec sa verve habituelle et sa fine connaissance de la psychologie humaine, l’histoire de Barbara, de son adolescence à l’âge adulte, à une époque se situant dans la seconde moitié du siècle dernier.

Orpheline de mère, c’est avec une résignation muette que l’héroïne subira le remariage de son père et l’arrivée consécutive d’une belle-maman et de ses enfants, issus de diverses unions.

Contrairement à la plupart de ses romans, et… à notre grand soulagement, l’auteure ne fait pas ici appel au surnaturel et, dans ce roman à plusieurs voix, nous présente le quotidien de cette famille frappée par des deuils, une naissance inopportune, et des tournants de vie constituant en effet les petites scènes capitales d’une existence.

Un roman à recommander, agréable et sans longueurs !

La vie qui va

10 étoiles

Critique de Cyclo (Bordeaux, Inscrit le 18 avril 2008, 78 ans) - 1 décembre 2013

Nous sommes dans les années 50 : Lili, cinq ans, en vacances chez sa grand-mère Nati, voit sur une vieille photo un bébé dans les bras de sa mère. Elle sait que c'est elle, mais elle n'a jamais connu sa mère et vit avec son père Gabriel, qui est veuf. Et déjà, elle se pose des questions : "Pourquoi suis-je là, pourquoi suis-je moi, en vie, telle que je suis, en cet instant ? Qu'est-ce que je fais sur la terre ? À quoi bon ? Oui, à quoi bon exister ? À quoi bon moi ?" Peu de temps après, le père rencontre Viviane et l'épouse : Viviane a quatre enfants, un garçon, Paul, une fille, Jeanne-Joy et les petites jumelles, presque du même âge que Lili, Chantal et Christine, nés de trois pères différents. La vie s'organise dans cette famille recomposée, où chacun cherche à se faire une place. Lili manque de tendresse : "Viviane n'a jamais été câline avec elle, et à peine plus avec ses propres enfants. Cette femme si sensuelle a toujours contenu ses élans d'affection maternelle, comme si l'abandon de son corps et l'effusion de ses sentiments n'étaient réservés qu'aux hommes. Les enfants, c'est du regard et de la voix qu'elle veille sur eux, pour les dresser, les cajoler, les protéger, les éduquer, selon. Le père agit pareillement. Il n'y a que Nati qui lui ait prodigué de la tendresse ; cette sensation de douceur reste blottie dans un recoin de son corps, en attente d'un rappel".
À l'école, Lili apprend que son véritable prénom, le premier de l'état-civil, est Barbara. Mais pour son père, elle est Liliane. Par petites scènes successives, dont chacune a des répercussions sur l'héroïne principale, on avance dans la vie de ces sept êtres ; de lourds secrets semblent traîner. Le cadre familial est un peu étouffant. La grand-mère meurt, puis une des jumelles, la préférée du père d'adoption, ce qui provoque l'effondrement moral de Viviane. L'autre jumelle part rejoindre son géniteur en Nouvelle-Zélande. Peu à peu, Lili se construit. Le frère, Paul, fait une crise de mysticisme à l'adolescence. L'aînée des filles disparaît pour réapparaître accouchant d'un bébé anormal. Gabriel et Viviane vivent difficilement ces petits ou grands drames et finissent par se séparer. Mai 68 arrive, Lili rencontre un groupe d'émeutiers et abandonne ses études pour s'installer avec eux à la campagne. Puis, quand la communauté éclate, elle "réapprend à vivre seule. Elle apprend à savoir vivre seule". Elle devient artiste, mais finit par comprendre , lors de sa première exposition, en écoutant les commentaires que "Pas mal, oui, juste cela, ce jugement vague suffit, il convient à sa peinture. Du bon travail, solide, le sens de l'espace et celui des couleurs, mais pas de vraie inventivité. Elle n'apporte rien de neuf, rien d'insolite, elle n'est qu'une suiveuse, non dénuée de talent, certes, qui brode des variations à partir d’œuvres d'artistes qui l'ont précédée et qui, eux, ont innové, et étonné". Viviane s'éteint peu à peu : " elle ne se plaint pas, elle subit sans révolte le malheur qui la frappe ; un malheur à rebonds et cumulatif – trop grand, trop rude pour elle, trop épuisant. Elle n'est plus de taille à lutter, elle est lasse à en mourir". Mais, avant de mourir, elle confie son secret à Paul : il n'est pas son fils, mais celui d'une juive que les Allemands ont assassinée. Paul qui avait abandonné sa vocation religieuse pour devenir saltimbanque, devient alors prêtre-ouvrier et aumônier des prisons. Lili apprend que sa vraie mère n'a jamais accepté sa maternité et qu'elle s'est suicidée peu de temps après les avoir quittés.
Un roman donc sur les secrets de famille, sur les ombres familiales, sur les deuils successifs, sur l'identité. Et aussi sur la quête de l'amour, de la tendresse chez tous ces êtres perclus de douleurs diverses. "L’amour, ce mot n'en finit pas de bégayer en elle [Lili], violent et incertain. Sa profondeur, sa vérité, ne cessent de lui échapper, depuis l’enfance, depuis toujours, reculant chaque fois qu’elle croit l’approcher au plus près, au plus brûlant. L’amour, un mot hagard". Certes, la tragédie n'est pas loin, le mélo même : les événements de l'histoire, la Shoah, la guerre d'Algérie, Mai 68, le mouvement communautaire hippie des années 70, traversent ces vies, dans les corps, les cœurs et dans les âmes... On trouve donc ici en quarante-neuf scènes, chapitres souvent très brefs, des morceaux de vie tissés de petits bonheurs et de grands malheurs, de moments anodins et de traumatismes profonds, avec, en arrière-plan la recherche spirituelle du « pourquoi la mort ? » Lili, au fil de son avancée en âge, "ne rêve plus d'une autre famille, elle ne souhaite plus un autre passé que celui qui est le sien, tout semé de trébuchements et de déconvenues, de pertes et de renoncements soit-il, et jalonné de deuils. Elle n'éprouve ni regrets ni rancœurs, elle a eu son lot de joies et de plaisirs aussi, ses jours d'allégresse, ses heures d'exultation, elle a vécu selon ses goûts et ses désirs, en liberté". Et elle finit par comprendre que "L'amour n'a pas à se parer de grandes déclarations, de gestes et de postures emphatiques, il n'a à s'encombrer de rien, il a juste à être, et à agir là et quand il faut, sans se soucier si on le voit à l’œuvre". Des truismes, sans doute, mais c'est la vie en marche et le temps qui passe.
C'est ici par le biais de la fiction une vie (pour reprendre le titre du beau roman de Maupassant, auquel on pense parfois) entière qui se déroule devant nous. Bilan de Lili-Barbara : "Elle n'a pas vu passer le temps, en elle demeurent l'enfant qu'elle fut, intacte dans ses questions, ses joies, ses effrois et ses rêves, l'adolescente meurtrie par un deuil consumé de jalousie et d'espoir, la jeune femme en errance et celle en grand enjouement amoureux, la marginale au scepticisme irréductible, et l'artiste éprise d'empreintes et de couleurs. Elles sont toutes là, debout, yeux grands ouverts dans un passé toujours présent, tant il est incorporé, silencieux et vivace. Chair du passé, peau du présent". Je crois bien que seule une romancière de grand talent, comme l'est Sylvie Germain, pouvait aussi finement évoquer les déchirures de la vie, mais aussi ses beautés.

Un vingtième siècle vécu par un modèle de famille très actuelle

9 étoiles

Critique de Ddh (Mouscron, Inscrit le 16 octobre 2005, 82 ans) - 14 novembre 2013

« Petites » et « capitales » peuvent paraître paradoxaux mais ce sont autant de petits faits qui tapissent la vie de Lili et ses proches et qui sont importants dans la progression de chacun des acteurs.
Sylvie Germain est une auteure aux multiples couronnes : Prix Femina en 1989 pour Jours de colère, puis le Grand Prix Jean Giono en 1998 pour Tobie des Marais et le Prix Goncourt des lycéens en 2005 pour Magnus. Elle a en outre reçu le Prix Jean Monnet de littérature européenne en 2012 et elle vient d’être élue à l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique.
Lili est née durant la 2ème guerre mondiale et le lecteur suit son parcours tout au long de cette deuxième moitié du 20ème siècle. Sa vie de famille est pour le moins mouvementée : sa mère disparaît dans sa prime enfance, son père s’éprend de Viviane, un mannequin avec des enfants pour le moins perturbants. Une famille éclatée mais éclatante par la progression de chaque personne dans ces changements de société avec la crise de mai 68 qui chamboule tout.
Quel plaisir que de se pencher sur un livre aussi bien écrit ! Un souffle poétique, une réflexion profonde sur la condition humaine, des phrases bien balancées qui dansent sur le rythme de la valse : une, deux, trois épithètes…

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