Les Pieds-Nickelés s'en vont en guerre
de Louis Forton

critiqué par JulesRomans, le 12 octobre 2013
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
On les attendait depuis près de 40 ans ! (dernière réédition de qualité)
"Les pieds-Nickelés s'en vont en guerre" parus chez Vuibert reprennent le début (et seulement le début) des aventures des trois héros qui, en rapport avec la Première Guerre mondiale, sont parues dans le journal "L’Épatant" de janvier 1915 à décembre 1919. Ceci n’est pas explicité, même par l’historien Jean Tulard qui assure la préface.

En matière de "Pieds-Nickelés" durant la Grande Guerre, on avait bien vu Vents d’Ouest en 2008 nous proposer moins de 50 pages, celui du séjour en Allemagne (et encore en le mutilant de quelques pages au début et à la fin) dans le cadre d’un ouvrage intitulé "Le Meilleur des Pieds-Nickelés, tome 7 de René Pellos et Louis Forton". En matière de reproduction iconographique, l’éditeur avait fait là ce qu’il se pouvait de pire. La main de Berlin, après être passée par la culotte du zouave, doit y être pour quelque chose, car aucun "bon Français" ne peut avoir sciemment saboté à un tel point la grande œuvre patriotique de Louis Forton.

Vuibert est un éditeur en partie scolaire et il est heureux qu’il en soit ainsi pour "Les Pieds -Nickelés s'en vont en guerre". Il a été demandé une (re)colorisation à Benjamin Strickler. Pour les pages coloriées à l’origine (une minorité) cela nous éloigne des couleurs criardes et pour le reste les vignettes en noir et blanc dans "L’Épatant" sont devenues plus attrayantes pour le lecteur adulte ou jeune d’aujourd’hui. À moins d’être un ayatollah des histoires en images qui s’en plaindrait.

D’autant que cerise sur la gâteau, la surface d’une page a été augmentée de 10%, ce qui rend les textes écrits avec des caractères d’imprimeries minuscules un peu plus lisibles (Vents d’Ouest avait eu la géniale idée de les réduire de 10%). Rappelons qu’il s’agit ici d’histoires en images et non de bande dessinée, dans la mesure où le texte est en-dessous de la case. Dans les vignettes, Forton introduit ponctuellement une bulle mais c’est pour y mettre un grand point d’exclamation, qui signifie que le personnage est surpris.

Nous avons parlé longuement de la forme, car sur le fond on peut faire court en disant que c’est épatant (en renvoyant au nom du journal) pour les yeux du lecteur d’aujourd’hui. Voilà mis en images un condensé de la propagande anti-boche servie à la louche par l’ensemble de la presse française pour les jeunes (et pour les adultes), y échappant pour faire dans le un peu plus léger "La Semaine de Suzette". En effet pour ces chères petites filles catholiques de toutes les couches de la bourgeoisie et de la noblesse (en voie d’extinction, du fait en particulier de ses morts au champ d’honneur), on n’allait quand même pas dire que les Boches puaient, ni qu’ils tuaient les chiens par exemple, ni voir des poilus tomber dans le péché mortel face aux Allemands. Elles étaient à protéger de certaines vilenies dont les jeunes garçons pouvaient se réjouir ou s'épouvanter.

Par ailleurs on savoure le génie du dessin de Forton, très proche de l’art caricatural, et la fluidité d’un récit bâti sur un schéma redondant (celui de filouteries à l’encontre de l’ennemi) mais avec un art certain dans le renouvellement. Un livre qui convient à un lectorat de 9 à 99 ans.

L’avenir des "Pieds-Nickelés" est sans inquiétude : Philippe Riche et Patricia Souchard chez Vents d’Ouest, pour Delcourt Trap et Stéphane Oiry et enfin le propre petit-fils de Louis Forton avec l’Apart éditions, poursuivent à ce jour leurs aventures des Pieds-Nickelés.