La guerre parfaite de Thérèse Delpech

La guerre parfaite de Thérèse Delpech

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités

Critiqué par Libris québécis, le 13 mai 2003 (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (12 610ème position).
Visites : 3 585  (depuis Novembre 2007)

Les Guerres de demain

Nietzsche avait évoqué le XXe siècle, comme le siècle des guerres. Il ne s'est guère trompé. Sauf que la mémoire collective oublie vite. Qui se rappelle de la guerre des Malouines en 1982? Qui se rappelle de l'attaque du Japon contre la Corée en 1929? Le tout a commencé avec la guerre des Boers en 1899. Depuis ce temps, on n'en découd pas.
Thérèse Delpech, politologue, s'est penchée sur le sujet dans un court essai intitulé La Guerre parfaite. Elle se pose deux questions. Quelles seront les guerres de demain et comment germeront ces conflits?
L'auteure ouvre le débat par l'analyse de la guerre de Troie, «la mère de toutes les batailles». Si les hommes ne veulent pas de la guerre, le hasard se plaît à les multiplier. La paix serait donc une illusion. Et la technologie de pointe est incapable de mettre fin aux conflits quoi qu'on en dise. Qu'on se rappelle la guerre du Viêt-nam. Même en Afghanistan et en Tchétchènie, les belligérants sont encore sur un pied d'alerte. Et la victoire n'assure pas la paix. Il faut une présence militaire forte pour empêcher toute rébellion comme c'est le cas au Tibet.
De plus, la technologie donne de l'ampleur aux «ruses antiques» à cause des frappes à longue portée et aux armes «intelligentes» qui peuvent atteindre des cibles précises. Mais souvent des «bavures» causent des «dommages collatéraux». Quel vocabulaire pour cacher l'horreur de la guerre! Pour Thérèse Delpech, la technologie accroît les risques de conflits. Les pays pauvres peuvent se doter d'un attirail chimique et biologique très efficace et à bon marché. D'autres pays peuvent déstabiliser l'ordre mondial avec leur arsenal nucléaire comme c'est le cas pour la Chine, le Pakistan, l'Inde. Même la Corée du Nord veut son fameux champignon atomique. C'est hallucinant. Ce n'est guère rassurant de voir les pays se bousculer aux portes de la technologie guerrière.
Mais le plus grave, c'est que la guerre ne se présente plus comme un affrontement frontalier entre deux pays. Le discours d'Horace sur le courage guerrier est devenu dépassé. On se bat contre des forces occultes, qui ne s'abritent pas derrière des frontières données. Elles sont partout et nulle part et empruntent tous les visages malifiques? Contre qui ou contre quoi s'oppose-t-on? Avec le terrorisme, ce ne sont plus les militaires qui encaissent les coups. Ce sont les civils qui dorénavant devront passer à la caisse de la barbarie comme on le constate en Algérie. Et la technologie amplifie la force des terroristes grâce aux réseaux d'information sophistiqués qui pourront les guider dans leurs manoeuvres meurtrières.
Toutes ces raisons rendent bien aléatoire la notion de paix. Même quand on l'a acquise, il faut une
force militaire pour la maintenir comme c'est le cas en Bosnie. La vigilance s'installe partout comme le dit l'adage : «Para bellum si vis pacem.» Prépare la guerre si tu veux la paix. La prophétie de Nietzsche risque de se maintenir encore pour un autre siècle quand on constate les inégalités mondiales et les incertitudes géopolitiques de certains pays.
Thérèse Delpech table sur notre raison pour éviter les conflits. «Il dépendra de l'intelligence, écrit-elle, qui sera consacrée à la compréhension du présent, de la volonté d'agir pour prévenir les crises avant qu'elles ne dégénèrent, et d'une part de chance. Les deux premières conditions dépendent des hommes. La dernière doit être laissée aux dieux.» Son essai, simple, est très éclairant, mais la raison peut-elle agir comme un agent de paix? Samuel Huntington cherche beaucoup plus profondément les causes qui engendreront les guerres de demain. Par conséquent, les esprits éclairés pourront davantage s'inspirer de son oeuvre, Le Choc des civilisations, pour détruire les germes guerriers qui poussent à l'horizon.

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8 étoiles

Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 79 ans) - 15 mai 2003

Dostoïevski, fortement opposé au nihilisme et au scientisme des pays occidentaux, prétendait que sans Dieu les hommes se choisiraient des "idoles" qui s'occuperaient de tout pour eux. A mes yeux cela s'est passé dans la première moitié du XXieme siècle avec Staline et Hitler. On a vu ce que cela a donné ! La seconde moitié du XXieme a poursuivi son mouvement vers la science toute puissante. J'interprête Rimbaud ainsi: à la fin du XXieme l'homme aurait brisé toutes ses idoles et aurait été libre de tous ses Dieux. Et nous entrerions dans la période où il regarde à nouveau vers les cieux. Cela donne le regain des religions (comme celui de l'Islam, du protestantisme américain ou des grands rassemblements de jeunes catholiques) et on pourrait même aussi dire des sectes de tous ordres. Je ne juge pas, je ne fais que penser et regarder...

La guerre et la peste: les deux fléaux ancestraux !

10 étoiles

Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 79 ans) - 15 mai 2003

On pourrait croire que le second a disparu alors qu'il réapparaît sous des formes modernes. Un petit détail: pour ceux que cela intéresse, lisez "La guerre de Troie n'aura pas lieu" de Giraudoux. Cette pièce décrit très bien les mécanismes en jeux et la possibilité qu'ont les individus de s'y opposer. La technologie rend la guerre encore plus effrayante ! En effet, la vieille notion d'équilibre de la terreur n'existe quasiment plus. La moindre bombe atomique d'ajourd'hui fait paraître celles d'Hiroshima et de Nagasaki comme des jouets pour enfants. Aujourd'hui l'arsenal gigantesque de l'Amérique et de la Russie ne sert plus à grand chose quand on sait qu'avec trois ou quatre bombes bien placées on peut tuer des dizaines de millions de personnes et rendre des surfaces gigantesques de notre planètes inhabitables pour des siècles. Qui va courrir le risque d'en recevoir trois ou quatre ?... Mais n'existera-t-il pas un fou pour les envoyer ?... La prolifération des armes nucléaires est probablement un des plus grands dangers auquel l'humanité est confrontées avec les armes chimiques et le fanatisme religieux. Bien sûr ce seront les civils qui trinqueront le plus ! Qu'attendre du choc des civilisations ? Il est effarant de constater que notre monde du XXIieme siècle connaisse à nouveau de véritables guerres de religions !... L'islamisme virulent, prêt à tout pour convertir le monde d'un côté et l'alliance des forces d'extrême droite et du protestantisme le plus obtus de l'autre côté. Quand Malraux a dit "Le XXIieme siècle sera religieux ou ne sera pas" il ne pensait pas si bien dire ! Et Rimbaud d'ajouter; "- Car l'Homme a fini ! l'Homme a joué tous les rôles! Au grand jour, fatigué de briser des idoles Il ressuscitera, libre des tous ses Dieux, Et comme il est du ciel, il scrutera les cieux!"
L'intelligence comme force salvatrice ?... Ou est-elle ?...

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