Dictionnaire amoureux de Proust
de Jean-Paul Enthoven, Raphaël Enthoven, Alain Bouldouyre (Dessin)

critiqué par Veneziano, le 4 septembre 2013
(Paris - 46 ans)


La note:  étoiles
Les manies et un talent disséqués non sans humour
Marcel Proust est un écrivain qui véhicule beaucoup de fantasmes et autant de clichés. Les deux auteurs de ce Dictionnaire amoureux remettent les choses d'aplomb, en montrant ses contradictions, ses manies, son caractère, en analysant ses personnages, les apports et forces de son oeuvre, en présentant ses relations, plus ou moins bonnes. Cette somme est assez détaillée, tout en ne prétendant pas à l'exhaustivité, ce qui serait d'autant plus difficile quand l'oeuvre principale de l'auteur fait près de trois mille pages. La présentation est au moins autant philosophique que littéraire, ce qui est un parti pris qui se défend, sans être forcément le plus pertinent. Chacun peut avoir son avis sur la question ; aussi les co-auteurs ont leur formation pour circonstance atténuante. La collection permet les partis pris, les subjectivités.
Le regard sur l'auteur est bienveillant, mais également lucide, ce qui n'empêche pas l'ironie, aimable. Le ton tient de l'enquête sur un auteur vénéré tel un aïeul, qu'on voit comme il est.
L'ensemble reste assez pointilliste, touffu et dense, sans être totalement complet, ce qui serait difficile, et l'ouvrage fait déjà plus de 700 pages.
On en apprend pas mal et c'est assez bien fait. Il est donc à conseiller.
Un Dictionnaire ne suffit pas 8 étoiles

C’est un attelage insolite qui conduit la succession des notices de ce dictionnaire, puisque il s’agit d’un duo père-fils, tous deux philosophes, sans qu’il soit possible de distinguer ce qui provient de l’un ou de l’autre, tous deux professant un amour égal pour Proust et déversant à eux deux un torrent d’érudition.

C’est au travers d’une multitude de citations et d’angles d’attaque que l’œuvre apparaît comme un monde en soi, au-delà des seules réminiscences tant rabâchées. Certaines entrées suscitent la curiosité : nez, caca, ouin-ouin …

La vie de Proust, n’en déplaise à Sainte-Beuve, fait aussi l’objet d’un intérêt soutenu : ses maisons, ses proches, ses rencontres manquées : celles avec Wilde ou avec Joyce par exemple.

Les auteurs sont bien imprégnés de l’esprit proustien, qui les amène parfois à « proustifier », comme dans les articles plus spécifiquement philosophiques, mais qui influence aussi leur style aux riches métaphores. Ainsi par exemple, à l’article Postérité, il est question, à propos des innombrables commentateurs de Proust, des « apôtres érudits et zélés, des missionnaires susceptibles de porter l’Évangile », du « concert des noms qui font une sarabande proustienne autour du monde », des « fantassins d’une armée d’encre et de plumes et forte d’une logistique glorieusement nuancée... »

Intéressant : dans le cours du volume, un questionnaire de culture proustienne est proposé aux aficionados du Maître, mais il n’est pas sûr qu’une lecture attentive du volume entier permette d’y obtenir un 100%. La matière est décidément infinie.

Alceste - Liège - 62 ans - 27 janvier 2016