Moïra Stone est une fille particulière. Dès sa naissance avec dix semaines d'avance, 14 minutes se passent avant qu'elle ne choisisse de vivre, montrant déjà sa différence .
Elle grandit à Stackpole entre père et mère mais surtout face à la mer, au bord des falaises. "Fille de la mer" comme l'appelle son père, elle passe des heures à observer la nature, les oiseaux de mer, les rares personnes de son entourage .
Son entrée à l'école n'aura pas raison de son isolement. Pourtant le jour où son institutrice découvrira sa myopie changera le destin de Moïra. Devenue une excellente élève, Mrs Mole lui obtiendra une bourse d'études qui l'éloignera très loin de chez elle, à Locke, un pensionnat pour jeunes filles.
"Rien ne changera" lui avait pourtant promis sa mère.
L'arrivée dans ce pensionnat sera un véritable calvaire pour la fillette. Souffre-douleur des autres élèves, où "boules-de-loto" sera la plus "gentille" des insultes qu'elle subira pendant 6 ans.
La naissance de sa petite sœur quelques semaines après son arrivée ne fera que renforcer ce sentiment de trahison, son ressentiment envers ces personnes qu'elle aimait le plus au monde.
Même sa chère tante Matilda, Til, la seule à lui apporter un peu de soleil, décevra les attentes exigeantes de l'adolescente.

Nous découvrons la vie de Moïra à travers le récit qu'elle en fait au chevet de sa petite sœur Amy, dans le coma depuis 4 ans. Cette petite sœur qu'elle a haïe sans la connaître, cette petite fille idéale alors qu'elle, avec sa myopie, sa maigreur, ses grands pieds, ses cheveux noirs est persuadée ne pouvoir être "aimable" malgré les preuves contraires que lui fournit son mari.
"Toute ma vie je me suis tenue à la frontière. Ça a commencé le soir bleu foncé où je suis née, et où deux mondes me faisaient signe… Je me suis tenue au bord des amitiés, du mariage, de l'état de sœur ou de l'état de fille comme si ces choses étaient des fils de fer, ou des piquets de palissade, ou de la zone qui sépare la mer du rivage."

Comme Ludmilla, j'ai trouvé ce roman un tout petit peu au-dessous , moins dense qu' "Un bûcher sous la neige" ou "Les reflets d'argent". L'alternance de la première et de la troisième personne dans la narration déroute un peu la lecture.
Mais c'est toujours avec un même talent que l'auteure nous fait partager la vie de son héroïne , nous permettant d'être en empathie avec cette étrange jeune femme, incapable de s'accepter, d'accepter l'amour, cherchant à surmonter son ressentiment et sa culpabilité.

Marvic - Normandie - 65 ans - 18 septembre 2015