La ville qui n'existait pas
de Pierre Christin (Scénario), Enki Bilal (Dessin)

critiqué par Kalie, le 14 août 2013
(Sarthe - 54 ans)


La note:  étoiles
Conte pour adulte
Avec ses habitants exploités et menacés de perdre leurs emplois, le quotidien à Jadencourt ne respire pas la joie de vivre. Dans cette région du nord économiquement sinistrée, constamment balayée par la pluie, la mère de Paulo travaille pour Fildor une entreprise de prêt-à-porter et le père du gamin aux fonderies Hannard occupées par les grévistes. Paulo et ses camarades de classe sont humiliés par leur instituteur qui les menace de finir O.S. comme leurs parents, des fainéants. Le vieux Hannard qui a construit sa richesse sur le dos de générations de travailleurs meurt subitement. Sa petite-fille, seule héritière, décide d’expier les péchés de sa famille. En utilisant les vices des actionnaires intéressés uniquement par l’argent et non par le sort de la population, elle va réaliser un projet fou : la construction d’une ville idéale. Avec la participation des habitants de Jadencourt, la cité sort de terre au bout d’un an. Une ancienne cimenterie familiale a laissé place à une ville sous cloche coupée du monde extérieur, loin de la crasse, de la bêtise humaine et du temps. Mais n’est-ce pas en réalité une prison dorée où tout n’est qu’ennui ? Comme dit le père de Paulo à son fils : « On ne peut pas se foutre entre parenthèses du monde mon gars ». Voilà pourquoi il n'a pas rejoint Paulo et sa femme dans « La ville qui n’existait pas ». Les départs de certains habitants semblent lui donner raison. La liberté offerte sur un plateau, sans efforts n’est-elle pas vouée à l’échec ?

Comme toutes les utopies, cette histoire sur fond de lutte des classes est belle. Le rêve devenant réalité puis désillusion montre l’incapacité des hommes à vivre heureux. Cependant, j’ai regretté les positions radicales, peu nuancées présentes dans l'album (le discours antibourgeois entendu mille fois, les grévistes assimilés à de la racaille…).

Bien que différents de ses œuvres plus récentes, les dessins de Bilal sont réussis. Détaillés et réalistes, ils collent parfaitement à l’histoire racontée ici.