Biologie et connaissance
de Jean Piaget

critiqué par Elya, le 3 août 2013
(Savoie - 34 ans)


La note:  étoiles
Epistémologie ; convergence des fonctions et structures organiques et cognitive
J’ai trouvé ce livre dans une librairie d’occasion bien achalandée en œuvres de Piaget. Il s’agit de sa première édition en 1967 chez Gallimard, collection Idées et philosophie. Depuis que je connais le nom Piaget, je l’ai toujours rattaché à des travaux sur l’enfant. Mon a priori s’est renforcé après ma lecture de De la pédagogie et de La psychologie de l’intelligence, citant tous deux bon nombre d’études portant sur des enfants permettant entre autre de mettre en exergue les stades de développement du « petit de l’homme », comme l’aime à l’appeler Piaget. Je m’étais mis en tête que la finalité des recherches de ce dernier était de mieux comprendre l’enfant et de renouveler les méthodes pédagogiques en conséquence.

Après ma lecture de Biologie et connaissance, j’ai cru saisir que l’œuvre et la portée de Piaget sont bien plus colossale que ce que j’imaginais. Dans cet essai, il se positionne tout autant en épistémologue et psychologue qu’en biologiste et physiologiste. Pour la néophyte dans ces domaines que je suis, il semble être un expert dans toutes ces disciplines, sans pour autant bien sur ne compter que sur lui-même. Il relate au contraire des travaux de nombreux de ses contemporains et prédécesseurs, parmi lesquels Waddington (biologie).

L’enjeu de ce livre est d’élaborer une épistémologie (à défaut de pouvoir y consacrer une recherche expérimentale) des similitudes entre fonctions cognitives et fonctions organiques. Il était déjà plus ou moins acquis au milieu du XXème siècle que des facteurs endogènes influaient les réactions organiques. Il était donc légitime de se poser la question suivante : « Alors que l’organisme est actif à tous les étages, son comportement qui est l’expression supérieur de cette activité ferait-il donc exception à la règle et ne serait-il que subordination servile et imitatrice au milieu ? »

Pour expliquer les bases de fonctionnement des systèmes biologique et cognitif, Piaget s’inspire de la théorie de la cybernétique, qu’il définit ainsi :
« La cybernétique est, en effet, avant tout la théorie du guidage et de la communication : elle explique la manière dont un mécanisme peut en diriger d’autres ou se diriger lui-même, par des transmissions et des effets rétroactifs ou anticipateurs d’information. »

Sa thèse est que la recherche en biologie a permis de mettre en évidence des structures et des mécanismes que l’on retrouve dans le domaine des études sur l’intelligence et la connaissance, alors que les contenus de ces deux champs n’avaient au préalable aucun rapport.
L’objet de ce livre consiste en la tentative d’étayer cette thèse en empruntant des méthodes longuement décrites (mais difficilement compréhensibles pour moi) dans le second chapitre.

Si j’ai accordé beaucoup d’intérêt aux travaux expérimentaux relatés, aux définitions de certaines notions (l’épistémologie, la connaissance, une structure, une fonction, l’assimilation…), ainsi qu’à l’entreprise globale, je dois avouer que de nombreux passages, voire des chapitres entiers, m’ont laissé sur le bas côté de la route. Non pas que la langue dans laquelle s’exprime Piaget soit particulièrement difficile, désuète ou trop académique, rien de tout cela, mais c’est plutôt que je ne possédais pas tous les pré-requis nécessaires pour bien comprendre et analyser les thématiques abordées par Piaget. S’il attache de l’importance à bien définir toutes les termes fondamentaux évoqués, il ne rappelle pas pour autant toutes les bases de la génétique, de la physiologie, ce qui se comprend nécessairement ; sans cela, ses propos s’étalent déjà sur plus de 500 pages en petit caractères.

Il est clair qu’à moins d’être un spécialiste (et encore, un spécialiste pluridisciplinaire), il parait difficile de se positionner de manière critique sur la thèse ici déployée. Là n’était pas mon but. Pour moi, lire Piaget consiste simplement à me familiariser avec son style, son vocabulaire, ses notions vers lesquelles il revient souvent. La conclusion de cet essai représente pour moi toute l’attention que l’on peut accorder à Piaget aujourd’hui, où les chercheurs tendent à être toujours plus spécialisés :

« Nous avons cependant tenu à écrire cet essai parce que le genre de collaboration entre biologistes, psychologues et épistémologistes que supposeraient des preuves n’existe qu’à peine et est hautement souhaitable. Ce n’est que par un travail interdisciplinaire qu’une épistémologie scientifique est possible ».