Un objet de beauté
de Michel Tremblay

critiqué par Jules, le 19 janvier 2001
(Bruxelles - 79 ans)


La note:  étoiles
Beaucoup d'humanité, un très bon livre
Nous sommes en 1963, à la veille du printemps. Marcel, jeune homme de plus de vingt ans, est handicapé car un peu simple d’esprit.
Il vit avec sa mère, Albertine qui a toujours refusé de le placer dans une institution. Il a aussi sa tante Nana qui est son principal soutien, celle qui le comprend le mieux et sa sœur Thérèse. Mais Thérèse a sa propre vie et elle ne lui semble d'ailleurs pas toujours facile, car il comprend plus qu'on ne croit, Marcel. Il s'affole, car il craint de se retrouver dans une institution, ayant entendu que sa tante était gravement malade. Sa mère se débat dans la misère, un appartement trop petit pour deux, trop peu d'argent, et chaque jour est une difficulté de plus. écoutez-la : " Chus rendue trop bas. J'me sus laissée tomber trop bas. Faut que je remonte avant qu’y soit trop tard ! À moins qu’y soit déjà trop tard… ".
Marcel peut bouger un peu, aller au parc, ou aller voir sa sœur qui est concierge dans un club select de Montréal. Le gros problème est que, secoué par une émotion forte, il fait chaque fois dans sa culotte !…
Pour tous ces êtres, la vie est loin d'être facile, mais ils se débrouillent, parfois mieux, parfois moins bien. Ils ont une incontestable dignité et sont très attachants. Marcel est simple d’esprit, oui, mais il est aussi beaucoup plus que cela. Comme le dit l’auteur, il est vraiment un objet de beauté. Il rêve beaucoup Marcel et ne fait pas n'importe quels rêves. Un jour, il battra même son père, en rêve sur grand écran, qui a abandonné sa mère, et lui. Il le battra devant la foule hurlante, d'une victoire incontestable et qui le laissera pantelant, mais souillé, sur son banc du parc Lafontaine…Je vous laisse avec lui, son histoire et celle de sa famille. Elle vaut la peine !
Une des choses que j'aime bien dans les livres de Michel Tremblay, outre la grande humanité de ses personnages, c’est son style. Ses descriptions sont en français, mais ses dialogues son en " canadien français ". Cela donne un rythme, un changement et, surtout, encore davantage de réalisme à ses personnages, de la crédibilité. Un très bon écrivain !
Je ne veux pas que ce soit fini. 8 étoiles


6° et dernier tome des Chroniques du Plateau Mont-Royal, Un objet de beauté fait mal.

Il fait mal parce que la vie est bien dure pour tous nos personnages qui ont grandi, vieilli. Mal aussi parce que Marcel, qui est le héros principal de l'ouvrage, est tout à la fois psychotique et capable d'une imagination d'une beauté fulgurante : un film, un livre (ah ah c'était bien Bonheur d'occasion dans un précédent tome, bel hommage à Gabrielle Roy ici) , un peintre... J'ai relu 2 fois ces chapitres en savourant chaque mot, chaque image. Nous vivons avec Albertine et Marcel, Thérèse et Simone, Nana la grosse femme, et rien ne va, pour personne. Je ne veux rien dire de la fin, mais pfffff, ce n'est pas juste....

Alors voilà, on termine ces chroniques et à la douleur d'en avoir fini avec ces belles pages, s'ajoute la désespérance de ces personnages englués, coincés, lucides et malheureux.

C'est triste !

Cuné - - 56 ans - 14 janvier 2005