La promesse du seuil : Un voyage avec Marguerite Yourcenar
de Christian Dumais-Lvowski, Marguerite Yourcenar

critiqué par Jules, le 6 avril 2003
(Bruxelles - 79 ans)


La note:  étoiles
Quel merveilleux livre que celui-là !...
Ma passion pour l'écrivain et la femme qu'était Marguerite Yourcenar est probablement connue de presque tous sur ce site. Me voici encore avec un livre écrit sur elle, mais quel livre !.
Nous sommes en décembre 1986 et l'auteur de cet ouvrage apprend que Marguerite Yourcenar est au Ritz à Paris. Il lui téléphone et lui demande de pouvoir la rencontrer sous le prétexte que son agence souhaiterait renouveler les photos qu’elle a d'elle. A son plus grand étonnement, elle accepte et le voilà qui la rencontre accompagné de son photographe Saddri Derradji.
La séance se passe au mieux et ils restent tous les deux plus de deux heures en sa compagnie. Mais l’aventure ne fait que commencer !. Voilà qu'ils apprennent que l’auteur et son infirmière comptent se rendre au Maroc. Avec son accord, ils l'y rejoignent le 6 février 1987 et y passeront un mois ensemble.
Christian Dumais-Lvowski tombe complètement sous le charme de cette femme. Il est aussi subjugué par son intelligence, sa finesse, sa perception de la vie, de la mort et du monde. Il écrit : « Pour qui était à la recherche d'un « modèle humain », Marguerite Yourcenar semblait un idéal. … A trente ans, j'espérais trouver un exemple qui me montre la voie d'une « vie excusable ». D ce point de vue, ma rencontre avec Marguerite Yourcenar prenait l’allure d'un rapport de maître à disciple. »
Christian Dumais-Lvowski nous raconte l'étonnante capacité d’écoute de l’auteur, sa passion pour le monde sous toutes ses formes qu'il s’agisse des hommes, des animaux, des plantes ou des minéraux. Elle a toujours la sensation de faire un tout avec ce qui l'entoure. Il nous parle également de son besoin de voyage, hérité de son père. « Apprendre, disait-elle,
dans les voyages et en dehors des voyages, est une grande raison d'être. Je me considère comme une
perpétuelle étudiante dans toutes les conditions de la vie. »
Ces voyages ne l’empêchent d’ailleurs pas de travailler. C’est au cours de ses déplacements qu’elle a pensé des œuvres telles que « Alexis ou le Traité du vain combat », « Le coup de grâce », mais aussi « Anna Soror » et surtout « Les mémoires d'Hadrien »
Le 24 mars il déjeune avec l'auteur et le lendemain visite avec elle et le conservateur du Louvre les salles souterraines contenant les Ïuvres non-exposées.
Le conservateur lui montre la fameuse tête sculptée « Antinous Mondragone » qu'elle n’avait plus vu depuis de très nombreuses années. Malgré ce plaisir, cette visite de toutes ces figures enterrées lui font penser à « L’enfer » de Dante et elle confie à Christian Dumais à la sortie : « Les musées nous administrent toujours un salubre mépris de la gloire. »
Début juillet, il reçoit une invitation de Yourcenar à venir la rejoindre à Mount Desert pour y parler d'un voyage de six semaines qu’elle voudrait faire aux Indes en sa compagnie vers la fin de l'année. Il s'y rend et y découvre sa maison : « L’ensemble est simple, chaleureux, tout y parle de la réflexion, de quête de la connaissance. Pourtant, « cette chambre à soi » a ses secrets, ses tourments, ses violences et ses agonies. » Puis : « Une fois encore, comme
comme avec les pierres d’Essaouira, je constate combien elle vit dans le monde non dissocié du « Grand Tout » partie intégrante de tous les règnes de la création. »
Malheureusement, le huit novembre 1987 l’auteur sera victime d’une attaque cérébrale et le voyage aux Indes n'aura jamais lieu…
Ce livre m'est particulièrement précieux et cela pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il est particulièrement bien écrit et cela me semble vraiment indispensable quand on publie un livre sur Madame Yourcenar. Mais aussi par toute la beauté des photos qu'il contient. Celles-ci nous rendent cette femme très proche, presque humble, terriblement humaine. La photo où elle est assise dans son fauteuil du Ritz et qu’elle éclate de rire est vraiment colossale !. Que c’est beau de la voir rire comme cela et à cet âge !. Enfin, Christian Dumais-Lvowski nous rapporte de très nombreuses phrases prononcées par elle et elles ont tout leur poids.
J’ai adoré ce livre et je le reprendrai bien souvent en mains !…