Visages fardés
de Su Tong

critiqué par Dirlandaise, le 17 juillet 2013
(Québec - 68 ans)


La note:  étoiles
Destins de femmes
Ce livre de Su Tong est constitué de deux histoires indépendantes. La première intitulée « Visages fardés » raconte le destin de deux prostituées chassées de leur maison close lors de la prise de pouvoir des Communistes et forcées de travailler dans un camp de rééducation. Elles connaîtront des sorts bien différents. Pour la deuxième histoire intitulée « La vie des femmes », Su Tong met en scène trois femmes sur trois générations. Il narre leur vie dans cet océan de souffrances qu’est la Chine communiste.

Je suis très étonnée de retrouver l’auteur de « La Berge » avec ces histoires de femmes marquées par la vie et à la recherche d’un bonheur qui n’existe pas. L’écriture est plus classique, les faits sont moins absurdes et plus en contact avec la réalité. Su Tong ne cherche pas la belle phrase mais se contente d’étaler les souffrances de ces femmes courageuses mais aussi craintives devant la douleur et le travail comme Xian. Le destin de chacune est influencé par leur milieu et leur caractère. Les hommes constituent souvent une planche de salut illusoire et remplie de déceptions. Divorces, bagarres, trahison, inceste, avortement, naissances, adoption, suicide, folie, la vie de ces femmes est jalonnée de malheurs, de déceptions amères et de drames. Ce sont deux récits empreints de pessimisme et d’une tristesse navrante. Les hommes sont décevants, ne réussissent pas à rendre leur femme heureuse. Les conditions de vie sont parfois intenables et font éclater les couples. La dureté du quotidien rend les femmes impitoyables et dures les unes envers les autres. La mort vient mettre un terme à ce cauchemar qu’est l’existence dans un pays qui laisse bien peu de place aux sentiments et met l’accent sur la productivité avant tout.

Je crois que « Visages fardés » a fait l’objet d’une adaptation au cinéma. C’est cette histoire qui m’a le plus touchée surtout la fin. Su Tong a bien décrit les problèmes inhérents aux changements de mentalité amenés par le nouveau régime politique et l’impossibilité pour certaines femmes de s’y adapter.

« Au moment où elles grimpaient à bord du camion, celui-ci commençait déjà à s’ébranler dans un vrombissement de moteur. À son bord se trouvaient quinze ou seize prostituées, les unes debout, d’autres assises. Dans un coin s’entassaient quelques valises en cuir et des ballots. Qiuyi et Xiao’e demeurèrent à l’arrière, le regard tourné vers les fenêtres du Xihonglou où une petite culotte vert pâle flottait doucement dans le vent sur une perche de bambou. Xiao’e dit : « C’est moi qui l’ai oubliée là tout à l’heure, je me demande bien s’il va pleuvoir ou non ! » Qiuyi répondit : « Ne t’en soucie pas trop. Lorsque nous serons là-bas, qui sait s’ils nous laisseront revenir ! » (Visages fardés)