100 albums cultes, soul, funk, R&B
de Olivier Cachin, Christophe Geudin, Grégory Bricout (Dessin)

critiqué par Numanuma, le 10 juillet 2013
(Tours - 50 ans)


La note:  étoiles
Great Black Music
Le problème avec ce genre d’entreprise c’est le choix des œuvres présentées : on imagine aisément les discussions passionnées qui ont précédé la liste finale de ces 100 albums, on comprend le côté didactique de l’affaire mais rien à faire, on se demande toujours pourquoi il manque Machin ou Truc.
Et bien, pour une fois, le problème serait plutôt : qu’est-ce qu’il fait là lui ?
Des deux auteurs, Christophe Geudin et Olivier Cachin, je ne connais que le second et sa connaissance encyclopédique de la musique noire. Christophe Geudin est journaliste musical, rédac chef de Funk-U, magazine consacré au funk mais que je n’ai jamais eu la chance de croiser en kiosque. Pour ceux que cela intéresse : http://www.funku.fr/.
Pour schématiser, le funk, c’est une ligne continue qui débute avec Jaaaaaames Brown, qui enchaine avec Sly Stone puis George Clinton et enfin Prince. Certes, c’est sommaire comme vision mais du tronc James ont poussées les branches principales que je viens de citer. Là-dessus, ce sont pléthores d’artistes qui ont poussé, apporté leur sève, pour poursuivre la métaphore arboricole, et donné leurs fruits.
Le funk n’est pas le seul objet du livre puisqu’il traite également de soul et de R&B. Evidemment, selon les artistes, Brown ou Ray Charles en tête, la distinction entre les genres est loin d’être évidente.
Comme je l’ai dit plus haut, on peut se demander ce que certains artistes font dans cette sélection. L’interview qui sert d’introduction au livre l’explique clairement : il ne s’agit pas forcément des meilleurs albums de tous les temps mais ces 100 là racontent une histoire. A titre personnel, je ne suis pas surpris par la présence de Dusty Springfield, toute anglaise et blanche qu’elle soit. Quiconque l’a entendue sait qu’elle a ce truc particulier. Par contre, voir David Bowie, avec Young Americans, figurer dans le classement a de quoi surprendre.
On le sait, quand Bowie ne conduit pas le train, il sait le prendre en marche. Ici, Bowie invente la plastic soul, terme pas évident à expliquer. Mettez Fame sur la platine et écoutez. Tous les éléments du funk sont là mais tendus, trafiqués, définitivement blancs. Bowie aime la musique noire, pas de doute à avoir, mais son œuvre est baignée par la Tamise, pas de Mississippi tout en sonnant plus noir que l’intégrale de Michael Jackson.
Plus loin, je me pose la question de la pertinence de classer ici Maria Carey, Whitney Houston ou R. Kelly.
Il n’est pas question de remettre en cause le talent de chacun de ces artistes mais qu’ont-ils d’authentique ? Bien trop produits, bien trop policés, leurs albums sont plus proches, à mon oreille, de la pop que la musique soul ou du rythm & blues. Posséder une voix hors du commun, c’est bien, et dans les cas de Carey et Houston, on parle bien de voix incroyables, mais cela donne-t-il une âme ? En fait, c’est trop parfait et ni la soul, ni le funk ni le rythm & blues ne sont parfaits. Au contraire, tout est dans les aspérités. En s’inventant sous formes d’initiales, le R&B, qui n’a rien à voir avec le rythm & blues, s’est créée une identité musicale réduite à une expression simple : un produit de grande consommation, une musique molle.
Je ne vais pas me faire que des amis avec une telle affirmation mais bon, je n’y peux rien, je n’échangerai pas mon baril de Funkadelic contre l’intégrale de Puff Daddy ou Adèle.
Heureusement, et pour longtemps encore je pense, Amy Winehouse met tout le monde d’accord.