Les Anarchistes de l'île de Ré. Reclus, Barbotin, Perrier et Cie
de Didier Jung

critiqué par JulesRomans, le 23 juin 2013
(Nantes - 65 ans)


La note:  étoiles
Pour les anars être à Ré c'était plus rigolo que d'être aux arrêts
Joseph Barbotin est né en 1861 dans l’île de Ré. Encouragé par l’artiste rochelais Bouguereau, il part à Paris en 1880 pour suivre les cours de l’Académie Julian lorsqu’il ne travaille pas comme instituteur suppléant puis comme répétiteur et enseignant de dessin dans les écoles primaires supérieures de Paris (il finira sa carrière comme inspecteur de la ville de Paris pour l’enseignement de dessin).

Prix de Rome pur l’année 1886, il remonte d’Italie vers la France en passant par la Suisse pour y rencontrer Jules Périer ancien communard originaire également d’Ars-en-Ré. Il y rencontre la famille Reclus qui depuis la fin de la Commune hère en divers points de l’Europe occidentale et du Maghreb.

Joseph (maintenant dit "William") Barbotin épouse en 1889 la fille adoptive Sophie d’Élisée Reclus, celle-ci est née à Marennes en Charente-Inférieure (devenue Charente-Maritime en 1942). André Honorat, en France père de l’heure d’été et militant de la lutte contre la tuberculose, est d’ailleurs en 1916 témoin du mariage de Carmen (fille aînée du couple Joseph Barbotin- Sophie Reclus, née en 1890) avec l’architecte belge Eugène Dhuicque.

Chaque année dans les années 1890 le peintre Barbotin (avec son épouse) quitte sa résidence dans le quartier Montparnasse pour rejoindre Ars. Il faut voir dans cette union le fait que le café du Commerce soit à la fin du XXe siècle un lieu de rencontre entre intellectuels ou artistes aux idées libertaires et une poignée d’habitants de l’île de Ré. Par ailleurs des militants révolutionnaires et pas obligatoirement anarchistes comme Félix Pyat ou bien encore Édouard Vaillant (député socialiste de 1893 à sa mort en 1915).

Si l’histoire intime des protagonistes et leurs relations avec l’île de Ré sont magnifiquement traités, par contre certaines affirmations sur l’histoire de l’anarchisme sont parfois discutables. En particulier la position de certains par rapport au déclenchement de la Première Guerre mondiale et au Manifeste dit des Seize qu’ont signé Jacques Reclus et Jean Grave prend des tournures imprécises et maladroites :

« En 1914, Grave se résout à la guerre, ce qui lui vaut l’accusation de trahison de la part de ses amis des "Temps nouveaux" ». (page 29)

Ici l’auteur ressert la vulgate libertaire dominante aujourd’hui portée par des militants qui se veulent historiens. En traitant page 44 Théodule Meunier d’"illuminé" il reprend ailleurs (sans le citer) le jugement de C. Malato paru dans Le Peuple du 3 février 1938 : « Avec une physionomie belle et pure d’enthousiaste à froid, résolu à tout dans sa passion de l’idée, il représentait le type le plus remarquable de l’illuministe révolutionnaire ». Or Charles Malato fait parti des signataires du Manifeste des Seize et est donc lui aussi accusé de trahison de l’idéal libertaire dès 1916.

Dans cette histoire "au galop" de l’anarchisme en France pour en réalité la période 1871-1895 aux chapitres deux et trois, l’auteur s’en tient à l’essentiel et il fait dans l’ensemble œuvre pédagogique.

La page 128 nous apprend que l’association des Charentais de Paris avait un journal appelé "La Cagouille", un terme de patois local servant à désigner les escargots. La maison d’éditions Croît vif propose d’ailleurs un album pour la jeunesse "Émile et Ronron, amis des cagouilles".