Le Saint-Christophe
de Dany Leclair

critiqué par Libris québécis, le 17 juin 2013
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Avoir 20 ans
À 20 ans, on croit posséder la vérité. Et ceux qui ne partagent pas la vision erronée que l’on se fait de la vie à cet âge sont des ringards. Le roman met le focus sur des jeunes du Lac St-Jean qui habitent le Saint-Christophe, un édifice du centre-ville de Montréal, où ils logent pour étudier dans les différentes universités de la ville.

L’auteur présente ces étudiants avec une exactitude et une clarté exemplaires pour les mettre en garde contre les pièges urbains. Il illustre avec conviction l’impatience d’une jeunesse, qui a hâte de piloter la société à sa guise. En attendant on vit dans des conditions si précaires que l’on risque de ne pas atteindre ses objectifs. On s’entasse dans un appartement miteux qui, espère-t-on, deviendra le théâtre de son épanouissement grâce aux substances illicites, aux beuveries, à la bouffe malsaine, à la perte de sa josephté si ce n’est pas fait et à un emploi mal rémunéré pour régler les frais de scolarité. On est tellement occupés à festoyer que les exigences de la scolarisation peuvent attendre. La population paiera pour cette insouciance coûteuse en reprises de cours et en changements d’orientation.

Même si ces jeunes paraissent pour le moins exaltés, il n’en demeure pas moins qu’ils sont attachants. On les excuse bien volontiers. C’est le cas du héros, Christian Gingras. Pour se compliquer la vie, il a la malencontreuse idée de se marier pour satisfaire son besoin inextinguible de sexe avec une copine, qui lui en fait voir de toutes couleurs. Il projette l’image d’un homme veule à qui tous les malheurs arrivent, mais il ne tente pas de se faire passer pour un écorché vif. Il connaît assez son confiteor pour faire son mea culpa. Il a même peur de ce qu’il est devenu : un profiteur égoïste même si, sous la couenne, bat un cœur sensible attiré par la littérature.

Évitant le discours du prédicateur, Dany Leclair a peaufiné un portrait plutôt juste d’une jeunesse en quête de sa voie. Tous des étudiants fragiles qui, tout en paraissant sûrs d’eux-mêmes, craignent pour leur avenir. Peu d’auteurs ont osé pointer leur manque de maturité pour affronter un moment décisif de leur vie.

Bien ficelé, le roman raconte une histoire fourbie de rebondissements pour relancer l’action. Il y en a même trop. Avec aisance, les péripéties se suivent dans un ordre linéaire. Elles sont rapportées avec une plume classique afin d’éclairer le plus vaste public possible. C’est bien, mais ça goûte un peu trop la guimauve.