Le mystère Tex Avery
de Robert Benayoun

critiqué par AmauryWatremez, le 5 juin 2013
(Evreux - 54 ans)


La note:  étoiles
Un des borgnes célèbres d'Hollywood
En leur temps, la plupart des borgnes célèbres de la montagne magique de Los Angeles étaient considérés comme d'ignobles faiseurs commerciaux tout juste bons pour les doubles programmes des "dowtowns" des ploucs "américains" : Fritz Lang, Raoul Walsh, André de Toth et John Ford. Maintenant, la critique pousse des "Ah!" et des "Oh!" devant leurs bandes projetées dans des salles où le public est choisi ou coopté. On n'est qu'entre personnes de bonne compagnie. Tex Avery est le quatrième mousquetaire, négligé encore car réalisateur de dessins animés, ce genre de choses que l'on limite aux enfants quand on est un adulte plein de componction, de réflexion et de raison.

Dans les années 60, les journalistes de "l'autre" nouvelle revue de cinéma, "Positif", se sont lancés à l'assaut de Tex Avery comme d'autres le firent pour Hitchcock. Car, on ne savait rien de lui. Beaucoup croyaient voir sa patte dans les "cartoons" de Donald des années 40. Car il eut plusieurs périodes, à la "Warner", à la "MGM" première période, la moins bonne, à "Universal", avec Walter Lantz, puis enfin de nouveau chez le lion le plus célèbre cinématographiquement. Les cartoons duraient six minutes pour être projetés pendant l'entracte où les "kids" achetaient le pop-corn et les glaces, c'est dire qu'ils étaient méprisés.

Les frères Warner revendirent le stock de l'âge d'or de l'animation américaine (de Robert Mc Kimson à Chuck Jones) à très bas prix un peu partout. Certains animateurs de talent (comme Jones mais aussi "Fritz" Isadora Freleng ou Bill Hanna et Joe Barbera) purent s'autoproduire, tous n'eurent pas cette chance. Tex Avery ne respecte strictement rien, pas même le déroulement de l'histoire qui peut être interrompue de diverses manières : les personnages se poursuivant font une pause, ils sortent du cadre de la pellicule, qui passe brutalement de la couleur au Noir et blanc, l'un d'eux s'arrête pour enlever un cheveu collé au projecteur...

C'est le triomphe du non-sens, mais de manière très logique aussi. (Dans "Slap Happy Lion", lorsqu'il se désintègre, c'est sa queue agressive que l'animal perd en dernier). Il y a aussi, et c'est finalement l'essentiel, que décèle Benayoun, c'est l'hypersensibilité de Tex Avery, ses angoisses, ses peurs, qu'ils transforment sur l'écran en rires "hénaurmes" qui ont l'avantage d'être universels...