Les couleurs de l'hirondelle
de Marius Daniel Popescu

critiqué par Débézed, le 27 mai 2013
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Entre pays blanc et pays noir
Un texte pointilliste, une suite de détails infimes en noir et blanc, aux couleurs de l’hirondelle, qui construit la vie de l’auteur et des siens entre son pays d’origine, celui du parti unique qu’il ne nomme jamais, et celui d’accueil sur les bords du Léman, au moment où il revient dans sa famille pour enterrer sa mère. Et, tout au long de la cérémonie, l’auteur revivra l’existence qu’il a menée au pays blanc de son enfance insouciante, au pays noir de la dictature, au pays blanc de l’accueil et de la liberté, au pays noir du racisme et du rejet. Il se souviendra, dans le désordre de sa mémoire, de l’école au pays blanc, des jeux virils avec les copains au pays blanc, de l’accouchement de sa femme au pays blanc, de l’école de sa fille au pays blanc, des jeux tyranniques avec sa fille au pays blanc,… , des combats contre les forces du pouvoir au pays noir, de l’impossibilité de secourir les nécessiteux au pays noir, …, « Tu as deux pays et chacun de ses pays est à la fois « le pays d’ici » et le « pays de là-bas », le pays blanc et le pays noir.

Ce texte paraitra certainement un peu rébarbatif à certains mais, moi, je l’ai bien apprécié, il est composé de chapitres courts qui traitent de sujets presque toujours différents, certains passages racontent même deux histoires simultanément dans les mêmes phrases. Le talent de l’auteur fait en sorte que le lecteur ne s’égare jamais et parvient très aisément à reconstruire un univers entre le pays du parti unique et le canton de Vaud qui correspond aux lieux où il a vécu avant d’être obligé de s’exiler et après la fuite hors de son pays. L’agglomération de détails infimes permet de reconstruire le parcours et la vie de ce migrant depuis son enfance jusqu’au moment où il écrit. Il y a du Herta Müller chez Popescu, cette même manière de reconstruire un tout en accumulant des détails infimes de façon apparemment éparse mais toujours judicieusement étudiée. Ainsi ce texte qui apparait éclaté reste toujours sur le fil rouge de l’histoire de son auteur.

Comme Herta Müller, Popescu laisse transparaître l’état bien pitoyable du pays du parti unique qui n’a fait aucun progrès après la révolution, les têtes ont changé mais ceux qui gouvernent désormais doivent assumer leur histoire qui n’est pas forcément plus brillante que celle de ceux qu’ils ont chassés.

Ce texte est aussi un vrai travail littéraire, l’auteur joue sur les consonances, les assonances, les homonymies, …, il parsème son texte de jeux sur les lettres et la fabrication des mots : sur leur parenté, leur apparente affinité, leur musique…