Une odyssée cambodgienne
de Haing Ngor, Roger Warner

critiqué par Ellane92, le 13 mai 2013
(Boulogne-Billancourt - 48 ans)


La note:  étoiles
c'est arrivé près de chez nous
Il a survécu, et c'est pour cela qu'Haing Ngor témoigne dans "Une odyssée cambodgienne" de la fin d'une culture, du massacre d'un cinquième d'une population en moins de 5 ans, de l'absurdité d'un pouvoir politique, de la folie des hommes, de la perte des êtres chers, de l'écroulement de l'économie d'un pays.
Il témoigne de l'horreur parce que, au final, quand on y survit, c'est tout ce qu'il nous reste à faire : dire pour ne pas oublier, dire pour ne pas recommencer.
Alors Haing Ngor témoigne de son enfance et de son adolescence, dans les années 50. De son métier de médecin, et de son amour pour Huoy qu'il ne peut épouser sans l'accord de son père. Et il témoigne aussi du 17 avril 1975, avec des hommes armés partout, et des messages diffusés expliquant que Phnom Penh va être bombardé par les Américains. C'est le début de l'errance, de la séparation des familles, de l'installation dans des camps de travail qui vont réformer le Cambodge et en faire soi-disant la première puissance mondiale.
C'est l'Angkar (l'organisation) qui organise les déportements. C'est l'Angkar également qui nourrit (rarement), soigne (avec des plantes), éduque (au travers des camps de rééducation, dont Tuol Sleng est le plus connu), et qui organise la révolution du pays (comprendre : les déportations, l'absurdité des travaux...). Haing Ngor ne connaitra le nom de ceux qui sont à la tête de l'Angkar, Pol Pot, Douch et les autres, que lorsqu'il sera réfugié politique en Amérique.
"Une odyssée cambodgienne" témoigne également d'une culture qui tente de se reconstruire ou de revivre un peu partout dans le monde, là où les réfugiés politiques issus des camps de réfugiés thaïlandais ont été envoyés.
C'est un livre coup-de-poing, écrit dans le but d'informer, et de dénoncer la folie des hommes et le massacre d'une culture au milieu de l'indifférence générale. Haing Ngor est connu pour avoir reçu l'oscar du meilleur second rôle dans La déchirure (The Killing Fields) avec entre autres Sam Waterston et John Malkovitch. Toute sa "deuxième" vie durant, aux USA, il n'aura de cesse d'informer de ce qu'a vécu le Cambodge, et de faciliter l'arrivée dans les pays d'accueil des Cambodgiens ayant rejoint les camps de réfugiés de Thaïlande.

Partage de la vie d'un homme, "Une odyssée cambodgienne" est parfois drôle, souvent dur, et interroge sur l'absence d'information et de connaissance que nous avons du destin de "L'Indochine" quand elle est devenue, entre autres, Cambodge. C’est aussi un hymne à la vie et à l’amour, et un ultime hommage à la culture cambodgienne, telle qu'elle était avant. C'est enfin un livre indispensable, pour se souvenir et surtout, pour que cela n'arrive plus.