Vues de dos
de Michel Tournier, Édouard Boubat (Photographies)

critiqué par Tistou, le 28 avril 2013
( - 67 ans)


La note:  étoiles
44 photos
44 photos sur le principe ; photo page de droite – photo d’Edouard Boubat, et commentaire, ou texte, ou prose puisqu’en fait il s’agit bien plus qu’un simple commentaire de la photo, page de gauche, de la plume donc de Michel Tournier.
Des photos en noir et blanc, dont le fil rouge est qu’elles prennent leur sujet ; personnages, groupes, pour l’essentiel, de dos. De belles photos, en noir et blanc, d’Edouard Boubat.
Et de petits et percutants textes de Michel Tournier, toujours dans la veine conte ou texte à morale. Michel Tournier, ce n’est pas de l’écriture pour l’écriture, pour faire beau. Perce toujours sous la plume de l’écrivain sa formation de philosophe.

« L’homme et la femme composent leur visage, disposent leurs mains, jouent du geste et du pas.
Tout est dans la façade.
Mais l’envers ? Mais l’arrière ?
Mais le dos ?
Le dos ne sait mentir. »

Tous deux brassent de l’humanité à pleins bras. Et même quand il n’y a pas de personnage, comme dans « Paris vu de dos », le texte de Michel Tournier met l’homme et son action sur le paysage – le cas échéant – au cœur de la problématique.
Une de mes préférées, la toute dernière « L’innocente aux mains pleines », une petite fille, très jeune, avec une espèce de traîne, de parure, réalisée avec des feuilles de platane, qu’on devine – de dos bien entendu – dans une position d’attente gauche comme seuls savent en prendre les enfants. Commentaire de Michel Tournier :

« … C’est d’abord la touchante maladresse de ce pauvre déguisement, inspiré par un rêve puéril, cette traîne de feuilles de platane, cette robe de feuilles de marronnier, et aussi cette pose en arrêt, cette attente, de quoi ? d’un miracle peut-être que devrait susciter la métamorphose. Mais c’est aussi l’étonnante réussite du déguisement, parce que, malgré sa gaucherie et sa misère, il parvient, c’est indiscutable, à faire, de cette femme-miniature, une créature sortant d’une souche creuse, un gnome forestier tombant des hautes frondaisons des arbres. On y croit. »