Dormir avec ceux qu'on aime
de Gilles Leroy

critiqué par Alma, le 12 avril 2013
( - - ans)


La note:  étoiles
« L’amour n’est pas un roman facile, non »
L’un, 26 ans a la beauté de la jeunesse, l’autre « deux fois son âge, une fois et demi son poids » et « le corps défait ». L’un n’ a pas encore vécu, l’autre par une « hécatombe à l’échelle privée » a vu disparaître tous ceux qui l’ont aimé. Le premier est Marian , un musicien roumain qui accueille à Bucarest l’autre: Gilles, le narrateur, un romancier (dans lequel il est aisé de reconnaître l’auteur ) venu parler de son roman primé au Goncourt . L’attirance est mutuelle et rapide. S’ensuit alors une relation amoureuse particulière que Gilles définit comme « une forme d’amour inconnu où l’aîné serait tout à la fois l’amant, l’apologiste et le père ». Marian représente celui que Gilles a été autrefois auquel il déclare « je t’aime dans le miroir en abyme, j’aime à travers toi le souvenir déformé d’un jeune homme que je fus ». Leur relation est l’image inversée de celle que jeune, Gilles connut autrefois avec Volodia , son aîné .

La tournée littéraire prévue par l’éditeur devant se poursuivant dans différents pays , commencent alors pour Gilles les souffrances et les angoisses de la séparation, toutes ses pensées se polarisant sur celui dont le groupe musical connaît la notoriété « Je tourne autour de lui, dirait-on . Toupie, toton, tornade : je suis en vrille autour de l’absent . Je suis sa lune satellite » .

C’est comme le chant du cygne de l’homme vieilli , brûlé, tombé dans « le cratère amoureux ». La boucle se referme. Après Marian, il n’y aura plus personne, Marian sera le second amant « second, ai-je écrit, et non pas deuxième . Sans avoir rien prémédité, tout est dit : le second, c’est aussi le dernier. Plus personne, après, plus rien . C’est la fin » .

A cette extinction de la vie amoureuse fait écho, de façon symbolique - tout au long d’un roman dont l’essentiel se déroule dans une Roumanie actuelle, et dont plusieurs scènes ont pour cadre de La Villa d’Or, ancienne résidence des Ceaucescu – le récit des derniers jours du règne du Conducatore et de la Reine Rouge dont les épisodes parsèment le récit .

C’est bien plus qu’une love-story sur des amours d’aujourd’hui. Le roman s’inscrit dans la tradition d’analyse de l’incandescence des plaisirs et des tortures de la passion amoureuse, qu’elle se vive entre deux êtres du même sexe ou de sexe différent. La prose poétique de Gilles Leroy s’y déploie avec bonheur « Les amants sont ainsi. Leur œil s’accommode avec une incroyable souplesse et bienveillance pourvu que le toucher demeure, le trésor des caresses, des étreintes, des morsures, des pénétrations, et le goût des baisers , des succions et l’odeur aliénante des aisselles, et le parfum perdu, toujours se dérobant, des parties sacrées »

Un livre-confession dans lequel le plaisir de la lecture s’est parfois mêlé pour moi à une certaine gêne, celle d’être introduite dans une telle intimité.