Eloge de la différence : La génétique et les hommes
de Albert Jacquard

critiqué par Elya, le 8 avril 2013
(Savoie - 34 ans)


La note:  étoiles
Racisme, hasard... la génétique appliquée à notre quotidien
Après la lecture de La mal-mesure de l’homme de Stephen Jay Gould, une seule envie ; celle de comprendre plus précisément ce que des mots tels que « racisme », « déterminisme biologique » ou encore « génétique » sous-entendent d’un point de vue scientifique. Les journalistes et essayistes ayant pignon sur rue n’hésitent pas à les employer à tout va, sans souvent prendre le temps de les définir.

Edité pour la première fois en 1975, Éloge de la différence appartient aux premières œuvres d’Albert Jacquard qui a depuis multiplié les ouvrages et les interventions dans divers médias. Généticien de formation, cette personnalité française se positionne parmi les vulgarisateurs scientifiques les plus connus en France. Il ose également aborder des thèmes de société comme l’écologie ou les « inégalités ».
Dans cet essai de 1975, il utilise ses connaissances de biologiste pour souligner une aberration malheureusement fréquente encore aujourd’hui : celle consistant à vouloir systématiquement faire des groupements entre les hommes, qui plus est souvent hiérarchiques. Il conclut d’ailleurs sur ces mots qui synthétisent les différents chapitres et qu’il serait peut-être bon d’apprendre par cœur tellement ce qu’ils sous-tendent est fondamental:

« La leçon première de la génétique est que les individus, tous différents, ne peuvent être classés, évalués, ordonnés : la définition de « races », utile pour certaines recherches, ne peut être qu’arbitraire et imprécise ; l’interrogation sur le « moins bon » et le « meilleur » est sans réponse ; la qualité spécifique de l’Homme, l’intelligence, dont il est si fier, échappe pour l’essentiel à nos techniques d’analyse ; les tentatives passées d’ »amélioration » biologique de l’Homme ont été parfois simplement ridicules, le plus souvent criminelles à l’égard des individus, dévastatrices pour le groupe. »

Les propos d’Albert Jacquard sont bien loin d’être moralisateurs. Il précise à différentes reprises qu’il tente d’exposer des connaissances avérées mais que le lecteur peut en faire ce qu’il souhaite ; mais il connaîtra au moins les bases de la génétique.

« le lecteur y trouvera moins de certitudes que de doute, moins de réponses que d’interrogations. Mais s’affranchir d’une illusion de compréhension, se débarrasser d’idées reçues, est un premier pas vers la connaissance »

Il faut un peu s’accrocher lors de ses descriptions de certaines lois de la génétique, pourtant illustrées de schémas assez clairs. L’ouvrage reste accessible globalement, il ne faut pas hésiter à survoler peut-être un peu certains passages trop techniques pour en saisir seulement l’idée générale.

J’apprécie beaucoup les précautions que prend Albert Jacquard avant d’employer des mots qui peuvent renvoyer à beaucoup de choses (ou à rien). Il définit par exemple longuement le hasard, dont on se crée souvent de fausses représentations. Le hasard n’est pas l’absence de cause mais l’absence de cause identifiable ; une nuance cruciale.
Il analyse également certaines de nos habitudes de langages absurdes et pouvant emmener à ces conceptions erronées. Nous avons notamment souvent tendance à parler d’inégalité entre les hommes. Ce terme renvoie pourtant à deux possibilités opposées : les hommes peuvent être différents ou certains supérieurs ou inférieurs à d’autres. Dire qu’ils sont inégaux est imprécis et peut devenir la base de discours creux voire dangereux.

Si la problématique du racisme vous interpelle, ce livre jette des bases accessibles pour saisir quelque peu cette idéologie si complexe. Bien qu’il soit écrit dans les années 70, son contenu est toujours cruellement d’actualité et je pense scientifiquement valide dans son ensemble.