Les Muses orphelines
de Michel Marc Bouchard

critiqué par Libris québécis, le 27 mars 2013
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Jouer aux fesses
Avec Les Muses orphelines, Michel Marc Bouchard nous emmène à Saint-Ludger-de-Millot au Lac-Saint-Jean. Cette dramaturgie répond bien au calendrier liturgique, qui plonge l’Église en ce moment en plein carême, d’autant plus que les trois sœurs et le frère de l’œuvre attendent leur résurrection.

Ils sont orphelins d’un père mort à la guerre et d’une mère, dit-on, décédée en Espagne, où elle vivait avec son amant. La mort dépareille une famille. Les géniteurs disparus, les enfants doivent s’organiser. Ils sont tenus de jouer des rôles compensatoires. L’aînée Catherine devient la mère de la famille. La cadette Isabelle, âgée de 27 ans, est traitée en bébé au point de passer pour une demeurée. Martine, devenue soldat comme son père, se retrouve en Allemagne, et Luc, établi à Montréal, reste attaché aux jupes de sa mère. au point de porter ses vêtements pour en garder le souvenir.

À travers ces quatre personnages, le dramaturge aborde le dilemme de l’identité. Comment croître quand les jardiniers n’entretiennent plus les plans qu’ils ont semés ? Pour réanimer ce petit monde, Isabelle a pensé réunir les siens en leur faisant croire que leur frère est mort. Elle mise sur son subterfuge pour que cette mort imaginée connaisse un dénouement pascal.

Dans la maison familiale, tous sont réunis pour un huis clos déchirant et touchant. Les couteaux volent bas et les âmes se livrent désespérément. Des âmes desséchées incapables d’aimer. Et pourtant on aimerait tant « jouer aux fesses », comme le mentionne la cadette, qui tente d'échapper à son sort grâce au vocabulaire qu’elle collige dans un carnet.

Pâques ne semblent pas pour demain. Des enfants sans tête parentale risquent de mourir à un passé qui forge les identités. Faute de parents, ils s’attachent aux chansons qui ont bercé leur jeunesse, mais est-ce suffisant pour leur donner un semblant de vie ? Bref, c’est tristement beau et en plein dans l’esprit du carême.