La mort de Napoléon
de Simon Leys

critiqué par Kinbote, le 10 février 2003
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
L'autre mort de l'Empereur
L'auteur, de son vrai nom Pierre Ryckmans, sinologue, pamphlétaire, essayiste (Prix Renaudot 2001 pour « Protée ») d'origine belge (ce qui lui vaut d’être réédité chez Labor) vivant en Australie part dans son seul récit de fiction à ce jour sur une idée géniale.
Napoléon ne serait pas mort à Sainte-Hélène mais aurait été remplacé dans les derniers mois de sa vie par un sosie.
Le vrai Napoléon fuit par la mer sur un navire où il fait office d’homme à tout faire. Puis une fois à terre, il se dirige vers Waterloo déjà devenu un lieu touristique et se fait raconter la grande bataille par un vieil homme qui déclare l'avoir vécue. Enfin il rencontre la femme d'un fidèle et entreprend de s'occuper avec elle d'un commerce de melons. Napoléon devient homme d'affaires et fait prospérer sa petite entreprise avec la vigueur qu’il mettait à conduire ses troupes à la victoire. Mais à la faveur d'une nuit, il découvre dans le parc d'une asile un étrange spectacle: une multitude de copies de Napoléon qui prennent le frais. Il ne se remettra pas de cette vision qui signera sa fin.
Un texte écrit de manière très classique avec un lever de soleil d'anthologie ainsi que l’agonie finale de Napoléon qui, paraît-il, a été accueilli froidement par la presse française qui n'a pas dû supporter qu’on attente à la réputation de son grand homme, hormis par François Nourrissier qui en a dit : « On ne sait plus depuis deux siècles écrire de contes philosophiques de cette tenue-là. » Le livre qui a connu un beau succès en traduction a été adapté au cinéma.
Même s’il est difficile de reconnaître le « vrai » Napoléon dans cette fiction, son auteur nous propose une réflexion sur la force du mythe et le sens de l’histoire. Tout homme confronté aux phénomènes d’identification qu’il a générés et à la prolifération de ses doubles possède-t-il encore dès ce moment la maîtrise de son destin ?
Une belle fable 8 étoiles

Seul ouvrage de fiction de Simon Leys, ce livre imagine un retour en France de Napoléon, sous un aspect d'emprunt, remplacé sur son rocher par un grognard complaisant et ressemblant. Diverses péripéties émaillent le récit, parmi lesquelles des méprises et des reconnaissances inattendues. L'intrigue elle-même, pleine de rebondissements, est intéressante, comme le sont les réflexions philosophiques sur le pouvoir que l'auteur prête à son personnage. Écrit dans une langue admirable, ce texte suscite l'intérêt de bout en bout. Sans que l'auteur se départisse de son humour ravageur comme dans l'exemple suivant (p.76): "....il lui semblait avoir assisté à l'écroulement de tout ce qui justifiait sa propre existence. Il se trouvait un peu dans la position du croyant à qui Dieu aurait juste révélé qu'il avait l'intention de prendre sa retraite." A lire pour s'évader intelligemment.

Falgo - Lentilly - 84 ans - 23 mai 2019