Si la tendance se maintient
de Pierre-Marc Drouin

critiqué par Libris québécis, le 26 mars 2013
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Oser s'affirmer
Le héros, Jean-François Gagnon, voudrait être plus rat, mais il réalise qu’il est un raté. Élevé par des parents qui l’ont abandonné à son sort en se séparant et choisi comme souffre-douleur à l’école, il a perdu forcément l’estime de soi. Son cégep (lycée) terminé en province, il décide de s’inscrire en sciences politiques à l’université de Montréal. Escomptant affermir ainsi une personnalité qui le déclasse aux yeux d’autrui, il lui est apparu que l’ailleurs représentait une panacée inespérée. Il apprend à ses dépens qu’on ne guérit pas d’un cancer de l’âme en transbahutant ses pénates. La métropole n’est pas l’antichambre du bonheur. Dichotomie branchouillarde qui sublime la ville aux dépens des régions.

Pour ne pas s’annihiler, le héros, qui se projette dans l’avenir, sent que son salut viendra de l’importance qu’il accordera à son passé. Iconoclaste, il effectue donc un virage de 180 degrés pour renouer avec un amour de jeunesse, qui lui avait appris à rire. C’est le début d’un temps nouveau parce qu’il veut enfin s’aimer. Il vit sa vinaigrette selon une chanson bien connue au Québec, mais une cuillerée de sucre peut tempérer l’acidulation. Et le sucre est à Baie-Comeau.

Cette trame serait sans saveur si elle ne convoyait que l’apprentissage de la génération Y en quête d’outils pour se libérer de son défaitisme. Le roman dépasse largement l’expérience d’un auteur de Sainte-Anne-de-Sorel, né en 1985. Il s’agit bien d’une fiction, qui rend compte d’un amour qui ne veut pas mourir. Et ne pas mourir surtout au territoire qui peut le nourrir. À travers son personnage, l’auteur dresse le portrait d’un Québec anémié en chapeautant les chapitres d’un titre emprunté à l’actualité politique des défaites nationales.

L’écriture ne porte pas encore la marque d'une griffe personnelle, mais le don inné de conteur de Pierre-Marc Drouin donne lieu à un bon suspense. Bref, son roman est un cri du cœur pour avertir, comme la corne de brumes, que « si la tendance se maintient », l’idéal des premiers bâtisseurs du Québec est condamné aux oubliettes sans la parole qui proclame son identité.