Dans la vie
de Aïssa Lacheb

critiqué par Sahkti, le 9 mars 2013
(Genève - 49 ans)


La note:  étoiles
Comment on pourrait devenir un tueur
Ce livre s'articule autour de trois axes.
Le premier, lié à la découverte du carnet de bord d'un assassin, relate une succession de crimes, avec la motivation et les agissements. sans pour autant les excuser, le lecteur se glisse peu à peu dans la peau de leur auteur, histoire de comprendre ce qui a pu le pousser à faire cela. Pas toujours simple, d'autant plus que la longueur de cette partie finit par créer un essoufflement, c'est dense, il y a beaucoup à assimiler. L'assassin explique ses raisons, ce qui l'a pousser à commettre autant d'horreurs. Le poids d'un passé dont le deuil n'est pas fin est la principale légitimité que l'on peut accorder à ses gestes funestes. Il ne s'encombre pas de justifications, il explique, avec un recul certain, dû à une forme de lassitude qu'il a commencé à éprouver.
la seconde partie est tout aussi terrible, glauque. Un infirmier narre le quotidien d'une maison de retraite dans tout ce qu'elle peut avoir d'abject. C'est révoltant. L'envie de meurtre se fait sentir contre les auteurs de tant de bassesses humaines. Les deux premières parties du roman se lient et on ne tient pas à les dissocier, tant la colère est grande contre un système qui ordonne la mort de nos vieux à petit feu.
Le troisième acte du récit donne la parole à une pensionnaire qui raconte la vie, la sienne et celle des autres, à travers son prisme déformé, s'adressant à cet infirmier meurtri dans un élan d'humanité, de résignation aussi.
la boucle est bouclée, imparable, dans un style choc flirtant en permanence avec l'émotion dans ce qu'elle peut avoir de primaire.

On ne sort pas indemne d'une telle lecture. Le coeur se tourne, se retourne et se détourne. Violence et virulence se frôlent avant de devoir s'écarter pour faire place au questionnement, au placement de nos repères moraux. C'est dérangeant, d'autant plus que c'est bien fichu, ça nous balance en tous sens, en ayant chaque fois l'impression d'avoir raison. Ou tort, selon les uns ou les autres.
Un roman coup de poing qui fait mal et c'est ça qui fait du bien, ça secoue nos pensées et c'est salutaire.