Race Differences in Intelligence: An Evolutionary Analysis
de Richard Lynn

critiqué par Elya, le 5 mars 2013
(Savoie - 34 ans)


La note:  étoiles
Tout ce que la science n'est pas
Quand nous consultons la page Wikipédia francophone intitulée « Quotient Intellectuel » (QI), nous pouvons être désagréablement surpris entre autre par le paragraphe « QI et volume crânien ». Nous y observons un tableau présentant le « QI » et la « capacité crânienne moyenne » des « Est-Asiatiques », des « Caucasiens européens » ou encore des « Africains sub-saharéens ». Difficile d’imaginer tant d’âneries tenant sur quelques lignes, aussi je vous invite fortement à aller observer cela par vous-même, avant que cela ne disparaisse. Heureusement, une référence envers un ouvrage est apposée au tableau : un certain Lynn, en 2006, dans Race differences in intelligence, aurait démontré que nous pouvons hiérarchiser des « races » en fonction de leur « QI », en lien avec leur « capacité crânienne ».
Grosso modo, tout ce que réfute SJ Gould en 1981 dans La mal-mesure de l’homme.

Je me suis donc précipitée sur cet ouvrage de Richard Lynn. Ce dernier est professeur de psychologie émérite d’une université des Royaume-Uni ; on s’attend donc à découvrir un texte scientifique très étayé. Le livre n’est pas traduit en français, mais il est écrit dans un anglais basique et donc accessible pour la piètre lectrice en cette langue que je suis.
Sa bibliographie est conséquente ; nous y trouvons les mêmes travaux que critiquait SJ Gould 30 ans plus tôt, avec des études plus récentes en supplément. Première bizarrerie : les conclusions des 2 auteurs sont complètement opposées et pourtant ils se basent sur les même études.

Lynn pense démontrer que l’on peut classer des groupes humains en « race » grâce en grande partie à leurs caractéristiques génétiques (1) ; que parmi ces caractéristiques héréditaires figure l’ « intelligence » (2) ; que l’on peut « quantifier » cette « intelligence » de manière fiable et reproductible grâce au « QI » (3). Selon lui il existe donc une hiérarchie entre les « races » humaines ; les « Est-Asiatiques » sont les plus intelligents, les « Aborigènes » le moins. Il explique cela ainsi :

« The IQs of the races set out in Chapters 3 through 12 can be explained as having arisen from the different environments in which they evolved, and in particular from the ice ages in the northern hemisphere exerting selection pressures for greater intelligence for survival during cold winters; and in addition from the appearance of mutations for higher intelligence appearing in the races with the larger populations and under the greatest cold stress. »

Approximativement, les habitants de l’hémisphère Nord dont les fameux Est-Asiatiques ont dû survivre malgré un climat très hostile et glacial ; seuls les plus intelligents ont survécu. Leurs descendants sont donc plus intelligents que ceux des habitants des autres régions qui avaient moins à lutter contre ce froid et dont la sélection des individus plus intelligents a donc été moindre.

Jared Diamond serait sans doute ravi de lire des conclusions aussi hâtives sur un thème qu’il a traité de manière passionnante et argumentée sur des centaines de pages dans De l’inégalité parmi les sociétés.


Richard Lynn ne peut pas être un scientifique. Sauf si ce livre a vocation d’être un support pédagogique présentant une grande quantité de biais épistémologique et méthodologique à relever pour qualifier une théorie de pseudo-scientifique. Dans ce cas là, il excelle.
Citer ces biais de manière exhaustive me semble impossible tant ils abondent ; voici donc une sélection personnelle et arbitraire de ceux qui m’ont le plus marquée.

Richard Lynn justifie certains de ses propos en affirmant que ce sont ceux d’autorités (ainsi l’American Task Force on Intelligence aurait validé les différences d’ « intelligence » entre les « races ») ou d’une majorité (59% des anthropologues biologistes et physiciens en 1985 pensaient qu’il existe des races humaines).

Ce qui prend le plus de place dans l’ouvrage est la présence de tableau présentant des « QI » en fonction des « races » et des études les ayant calculé. Admettons que l’auteur ait démontré au préalable qu’il existe effectivement des « races » (ce qu’il fait en partie en citant et déformant les travaux de Luigi Luca Cavalli-Sforza bien que celui-ci préfère employer le terme moins connoté de « population ») et que l’on puisse quantifier l’intelligence (sur ce point, il n’y a pas une esquisse d’explication). Quand bien même, ses tableaux n’auraient aucun sens. Il se permet en effet de comparer des tests de QI différents, réalisés par des personnes différentes, avec des méthodologies différentes, à des périodes différentes espacées parfois d’un siècle, sur un nombre d’individus complètement différent (de quelques-uns à des milliers). Ceci n’a aucune valeur sur le plan statistique.

L’auteur utilise de toute façon les statistiques de manière originale.
Page 75, il nous apprend que les enfants « aborigènes » de 6 à 10 ans « mal nourris » ont un « QI » moyen de 8 points plus faibles que ceux bien nourris. Or, 25% des « aborigènes » sont « mal-nourris ». Donc la « malnutrition » diminue le « QI » des aborigènes de 2 points.

Il ne faudrait pas oublier non plus de citer quelques arrangements de l’auteur, par exemple page 26 « The high IQ of this sample cannot be regarded as representative ». Si les chiffres de certaines études ne vont pas dans le sens de ses préjugés racismes, alors il se permet de modifier leurs résultats, avec comme seul argument que ça ne peut pas être comme ça.

Parfois les propos soutenus sont encore plus osés. Nous apprenons que malgré l’absence d’études sur les habitants de la Mongolie ou de la Sibérie du nord, on peut suggérer qu’ils sont bien moins intelligents que les « asiatiques de l’est » à cause de leur bas niveau culturel et technologique…


Relever toutes les limites (c’est un euphémisme) de l’ouvrage de Lynn de manière exhaustive est impossible. Aucune de ses assertions précisées en (1), (2), (3), n’est démontrée dans cet ouvrage. Le contenu de ce dernier est dramatique, d’autant plus lorsque nous connaissons sa date de parution, en 2006. Pourtant, je ne déconseille pas sa lecture, tant les lecteurs pourront se rendre compte par eux-mêmes de l’incohérence du racisme dit « scientifique ».