La fin du courage
de Cynthia Fleury

critiqué par Falgo, le 26 septembre 2013
(Lentilly - 84 ans)


La note:  étoiles
Inabouti
J'ai repéré Cynthia Fleury lors de plusieurs émissions politiques à la télévision. J'ai apprécié ses prises de position et me suis lancé dans la lecture de son livre.
Celui-ci part du constat que le courage est une vertu essentielle au fonctionnement de la démocratie et que, malheureusement, on ne peut que constater tous les jours le recul de son exercice. Elle a donc tenté de retrouver les fondements de son assertion de base et les conditions nécessaires à l'expression du courage.
L'ouvrage est divisé en deux parties: 'la morale du courage' et 'la politique du courage'. Dans la première elle propose un parcours dans les diverses définitions et conditions d'exercice du courage. Pour cela, elle convoque successivement les pensées de Bachelard, Montaigne, Sartre, Jankelevitch (beaucoup), Nietzsche, Lash, Hommet, Hugo et quelques autres. Elle établit ainsi que le courage est essentiel à la construction de soi comme de la vie sociale. Et elle l'associe à la nécessité de parler vrai (la "parrésia") dans le champ politique.
C'est ce dernier concept qui sert de fil rouge à la deuxième partie où, reprenant le terme et la démarche de Michel Foucault dans "Le courage de la vérité" (1984, Cours au Collège de France), elle tente d'établir une théorie du courage politique ou plutôt du courage en politique. S'appuyant en outre sur Tocqueville, Machiavel, Hugo (beaucoup), Rawls, Amartya Sen et d'autres encore, elle met à jour les raisons et les conditions d'exercice du courage en politique. Elle questionne en particulier les rôles respectifs en démocratie du suffrage universel (le vote) et du gouvernement issu des élections: pratiques perverses des majorités, droits des minorités, rôles des partis politiques, conditions d'un comportement réellement démocratique. Elle rappelle constamment la place du courage dans toutes les décisions vraiment démocratiques.
C'est donc à un ouvrage sérieux, réfléchi, documenté que le lecteur a à faire. C'est cependant, typiquement, une oeuvre de professeur de philosophie. Et c'est là qu'elle rencontre ses limites. La complexité du langage n'apporte pas grand-chose à la compréhension des phénomènes. Et, surtout, on repère souvent dans le texte des références à l'actualité, mais le souci historico-philosophique l'emporte et tout reste en quelque sorte éthéré et peu engagé. Il est très instructif de se replonger dans les -très belles - diatribes de Victor Hugo à l'encontre de Louis Bonaparte et de constater que nombre de réflexions d'alors sont encore éclairantes aujourd'hui. Mais, trop consciencieusement dégagées du contexte contemporain, elles perdent de leur impact. En fait, tout en lisant ce livre, je me suis pris à rêver à celui qu'à mon sens elle aurait dû faire et qu'elle n'a pas écrit. Réflexion complémentaire: je ne comprends pas que Cynthia Fleury ne cite pas Benda dont elle me semble être, par de nombreux aspects, l'héritière.