Élégie de Marienbad et autres poèmes
de Johann Wolfgang von Goethe

critiqué par Septularisen, le 16 septembre 2019
(Luxembourg - 56 ans)


La note:  étoiles
«Et l’œil, laissant la route enténébrée Regarde et voit la porte refermée».
Telle elle était, à sa porte attendant,
Telle elle fut, par degrés m’exaltant,
Et telle, après l’avant-dernier baiser,
Vint sur ma bouche appuyer le dernier,
Telle, vivante, elle entra dans cette âme
Et dans ce cœur, écrite avec des flammes.

«L'Élégie de Marienbad» est le grand poème d'amour de Johann Wolfgang Von GOETHE (1749 – 1832). En 1821, à soixante-douze ans, au faîte de sa gloire (il est le principal ministre du Grand-Duc Charles-Auguste à Weimar, un des plus grands scientifiques Européens, mais aussi écrivain, poète et philosophe), il rencontre la fille de Mme. Von LEVETZOW, la très jeune et très belle Ulrike, alors âgée de dix-sept ans.
Cette rencontre, et la passion enflammée qui suivit (il ira jusqu’à demander la jeune fille en mariage), inspireront la fameuse Élégie (publiée en 1827), au poète allemand. Celui-ci se rend tout doucement compte de sa jeunesse perdue, des années qui ont passé, de ce rêve insensé qu’il a fait. C’est donc ici un peu l’adieu que la vieillesse adresse aux espérances enfuies de nos jeunes années

CE QUI EST PERDU
(Extrait « d’Autres poèmes»)

Ah ! Qui me rendra le temps
Le temps du premier amour
Ah ! Ne serait-ce qu’une heure
De ces jours qui ne sont plus !

Ma blessure nourrissant,
Je vais solitaire et pleure
A jamais les biens perdus.

Ah ! Qui me rendra les heures
Et les jours qui ne sont plus !

Jean TARDIEU (1903 – 1995) a essayé de trouver une traduction (en partant d'une langue très différente de la langue française), qui rende l’équivalent sonore du texte original, en se rapprochant le plus possible de la tonalité verbale du poème allemand. C’est une intention certes louable, et j'ai pu apprécier les élégantes sonorités des poèmes de GOETHE, mais la traduction en pâtit beaucoup et devient très moyenne.

Que dire de plus ? On se sent toujours très «petit» en faisant la recension d’un écrivain comme GOETHE et devant une œuvre exceptionnelle comme celle-ci! Disons surtout que le style a bien sûr vieilli, surtout eu égard à la poésie moderne. Beaucoup le trouveront désuet, mais l’écriture est, malgré les années qui ont passé, toujours aussi belle. C’est un mélange très subtil entre pudeur, nostalgie, subtilité, profondeur, désillusion… C’est très émouvant, car rappelons-le il s’éloigne volontairement, avec fatalisme de la femme qu’il aime…

Alors oui, avouons-le-nous, à nous-mêmes, c’est parfois vieillot ! Romantique à souhait (aujourd’hui on dirait plutôt «kitsch»), sentimental (aujourd’hui on dirait plutôt «à l’eau de rose») et un peu mièvre, mais cela dégage tellement d’authenticité, de vérité, de sincérité, de gravité, de simplicité, notamment dans l’expression des sentiments, que l’on en reste ébahi, et que l’on en finit la lecture littéralement bouleversé...

«AMANT TOUJOURS PROCHE»
(Extrait « d’Autres poèmes» )

Je pense à toi quand le rayon solaire
Brûle les flots ;
Je pense à toi quand la lueur lunaire
Se peint sur l'eau.

Tu m'apparais quand monte de la route
Un poudroiement
Ou bien la nuit, quand le passant redoute
Le pont tremblant.

J'entends ta voix quand la vague s'éveille,
Meurt et renaît.
Je vais souvent au bois prêter l'oreille,
Quand tout se tait.

Si loin sois-tu, l'espace ne sépare
Jamais nos pas !
Le soir descend, l'étoile se prépare,
Que n'es-tu là !

Et dans sa langue originale :

NÄHE DES GELIEBTEN

Ich denke dein, wenn mir der Sonne Schimmer
Vom Meere strahlt ;
Ich denke dein, wenn sich des Mondes Flimmer
In Quellen malt.

Ich sehe dich, wenn auf dem fernen Wege
Der Staub sich hebt ;
In tiefer Nacht, wenn auf dem schmalen Stege
Der Wandrer bebt.

Ich höre dich, wenn dort mit dumpfem Rauschen
Die Welle steigt.
Im stillen Haine geh ich oft zu lauschen,
Wenn alles schweigt.

Ich bin bei dir, du seist auch noch so ferne,
Du bist mir nah !
Die Sonne sinkt, bald leuchten mir die Sterne.
O wärst du da !