Clemenceau, au fil des jours de Christophe Soulard

Clemenceau, au fil des jours de Christophe Soulard

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire

Critiqué par JulesRomans, le 10 février 2013 (Nantes, Inscrit le 29 juillet 2012, 65 ans)
La note : 4 étoiles
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Georges Clemenceau pour les nuls de droite

Ce sont environ 350 livres en version originale française qui sont consacrés à la vie et à certaines actions de Clemenceau (et nous excluons là les ouvrages qui sont de sa plume : reproduction d’un ou de plusieurs de ses discours ainsi que d'articles, ses livres).

On peut donc se poser comme première question : "qu'est-ce que ce livre apporte par rapport aux autres ?". On pourrait dire que sa spécificité est qu’il est écrit par un homme qui a passé son enfance dans la capitale de la Vendée militaire (Mauléon), ayant su communiquer sur les positions de la FNSEA et d’élus de la droite. C’est un journaliste et non un historien, il fait passer les connaissances des autres à travers le filtre de ses idées. Il s’agit d’un ouvrage de synthèse et qu’aucune découverte n’est le fruit d’une recherche personnelle de l’auteur.

Ce sont peut-être les pages de Christophe Soulard sur la généalogie de G. Clemenceau que retiendront le plus certains lecteurs. Il faut savoir que la famille Clemenceau, après avoir prospéré à l’ombre des évêques de Luçon, est anoblie du fait de l’achat de terre noble, de ses services comme agent royal ou auprès de familles princières. Elle passe au protestantisme avec Jean Baptiste Clemenceau (dont l’oncle était prêtre à Bressuire). Toutefois après 1685 elle revient officiellement mais temporairement au catholicisme, lorsqu’elle n’a pas émigré en Angleterre. Il s’agit donc de noblesse de robe et on aurait aimé que l’auteur le dise clairement, au lieu d’employer le terme anachronique pour la Renaissance de "notable", puis parler de "bourgeoisie" pour le XVIIIe siècle. L’auteur feint d’ignorer (ou ne sait pas) que l’exercice de la médecine (comme de la peinture) n’est absolument pas incompatible avec le statut de noble.

Ce n’est d’ailleurs pas la seule fois que Christophe Soulard commet volontairement des imprécisions (ici ne pas révéler qu’une partie de la noblesse sert fidèlement la République et massacre au passage des paysans vendéens) devant une certaine scientificité, on pourrait croire à le lire que la Vendée existe depuis le Moyen-Âge. La rigueur historique veut que l’on parle jusqu’en 1789 de Bas-Poitou pour la région dont la famille Clemenceau est originaire. Il faut dire qu’en matière de connaissances géographiques, on est un peu surpris de voir aussi situer Ypres en Artois (page 168).

De plus certains passages reprennent les idées de Clemenceau sur la Révolution en les contredisant, accusant (page 80) de mauvaise foi en 1891 le député (encore parisien) lorsqu’il déclare que la Terreur Blanche a fait plus de victimes que la Terreur jacobine. Georges Clemenceau était persuadé de ce qu’il avançait sur ce sujet bien que le nombre de victimes des trois Terreurs blanches (1795, 1799 et 1815) n’était d’ailleurs guère moins connu à l’époque qu’aujourd’hui.

Par contre l’auteur avance au sujet des mutineries de 1917 "le jugement de Clemenceau est sans appel et toujours objectif". Quand on sait les multiples interrogations qui agitent la communauté historienne sur les raisons de ces mutineries, on en reste coi. Bref quand Christophe Soulard juge pertinente une affirmation de G. Clemenceau c’est que ce dernier a l’immense honneur de partager son jugement avec Christophe Soulard et quand Christophe Soulard pose comme une contre-vérité ce que dit Clemenceau, c’est que ce dernier contrarie Christophe Soulard dans sa vision du monde.

Quand l’auteur reprend des informations, il n’a pas le regard critique suffisant. L’on sait que Clemenceau ne souhaitait pas spécialement que Mandel se présente aux élections législatives de 1914 dans le Var. Ce n’est parce qu’Hudelo n’a pas soutenu son collaborateur (devenu préfet du Gard, comment l’aurait-il pu d'ailleurs ?) que G. Clemenceau met fin à ses fonctions de préfet de police en 1917 (page 185). D'autre part l’anecdote du soldat, qui a refusé la médaille militaire parce que le général qui lui avait proposé aurait dit du mal des soldats du Midi et que cela lui aurait valu deux mois de prison, est totalement inventée. D’autant qu’elle comprend une partie où tel Napoléon, Clemenceau demande à un colonel d’enlever sa légion d’honneur pour la remettre au dit soldat (page 191). Ceci aurait d’ailleurs mérité d'être mis en parallèle avec une certaine action de journaliste de G. Clemenceau. Alors qu’il est sénateur du Var, il se joint sans retenue au concert qui dénigre au début de la Grande Guerre les appelés provençaux.

Si cet ouvrage est une propédeutique à la connaissance de celui qui fut connu comme "le Tigre", nous conseillons personnellement à tous (quelle que soit leur option politique) de poursuivre ou de commencer par les ouvrages intitulés "Clemenceau" de Michel Winock et Jean-Baptiste Duroselle.

Pour mieux connaître son rôle entre 1914 et 1920, l’ouvrage "Clemenceau, chef de guerre" de Jean-Jacques Becker est du plus grand intérêt, sa critique est faite sur ce site.

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