Mozart, sociologie d'un génie de Norbert Elias

Mozart, sociologie d'un génie de Norbert Elias
(Mozart. Zur Soziologie eines Genies)

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités , Arts, loisir, vie pratique => Musique , Sciences humaines et exactes => Histoire

Critiqué par Falgo, le 24 janvier 2013 (Lentilly, Inscrit le 30 mai 2008, 84 ans)
La note : 8 étoiles
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Une perspective très originale

Norbert Elias est un sociologue allemand dont l'oeuvre considérable a été gouvernée par le souci de faire converger diverses disciplines: philosophie, psychologie, histoire, anthropologie, sociologie. Une telle démarche, qui s'apparente à celle de Fernand Braudel, explique la tardive prise en compte de ses travaux par le monde universitaire, les tenants de chaque discipline le critiquant au nom de leur "scientificité" propre. L'aspect le plus connu de son oeuvre est celui contenu dans ses ouvrages sur "La société de cour" et "La civilisation des moeurs". Pour faire simple, Elias établit que le parcours de chaque individu s'inscrit dans un processus social et révèle une succession d'interdépendances entre une personne donnée et les différents groupes dans lesquels elle se meut. Cela a permis à Elias d'élaborer, notamment et avant Bourdieu, la notion "d'habitus."
C'est tout cet arrière-plan, auquel il faut ajouter la musicologie, qui fait toute la valeur et l'intérêt de cet ouvrage-ci. Elias montre que Wolfgang-Amadeus Mozart a été un pionnier absolu. La musique de son temps était régie par le poids de diverses autorités locales (Empereurs, Princes, Rois, Cités, etc.) qui entretenaient une cour et rivalisaient entre elles, en particulier par la musique produite. Les musiciens étaient employés et considérés comme des valets et portaient livrée. Le chef direct de Mozart à Salzbourg était le Comte Arno, Chef des cuisines. Mozart, conscient de son génie propre, s'est peu à peu rendu compte de son refus de s'insérer dans ce système, qui conduisait d'ailleurs à produire une musique normée, facile et mondaine, dite "musique de cour". Il a donc choisi de mettre son destin hors de la norme communément acceptée, au grand dam de son père d'ailleurs: être un musicien indépendant, non rattaché à une autorité, vivant de commandes privées et de concerts payants. Le succès de cette vie supposait l'existence d'un public capable d'accompagner ce mouvement. Or celui-ci n'a existé que très partiellement du temps de Mozart, ce qui explique les difficultés matérielles et morales de sa fin de vie. Cette situation a donc, d'après Elias, conduit Mozart à composer parfois des oeuvres "faciles" destinées à plaire au public, et d'autres, plus personnelles, exprimant de manière plus intime les mouvements de son âme. Elias en apporte, à la suite d'autres musicologues, une preuve avec les différences existant entre deux concertos pour piano et orchestre. Le n°19 est brillant, mélodique et virtuose, destiné à enthousiasmer un public; le n°20, postérieur de quelques mois et écrit dans la tonalité tragique de ré mineur, plus sombre et tourmenté, exprime mieux les mouvements d'une âme fatiguée de se plier à des conventions extérieures à elle. Ecoutant ces deux concertos au moment d'écrire cette chronique, je trouve l'exemple très convaincant. Le concerto n°20 était d'ailleurs un des préférés de Beethoven, bon connaisseur en la matière.
Lequel a, en quelque sorte, bénéficié de la démarche de son devancier. A l'époque de Beethoven, la société avait évolué, la bourgeoisie s'était enrichie et constituée en un public qui a permis à son génie de s'épanouir comme il l'a fait. Mais ceci est un autre débat.
Par contre, j'éprouve un regret à la lecture de l'ouvrage d'Elias. Il n'évoque à aucun moment la personnalité du créateur et innovateur, en particulier en ce qui concerne la symphonie et le quatuor à cordes, qui est celle de Josef Haydn. Celui-ci est resté toute sa vie serviteur au service des Esterhazy et cela ne l'a pas empêché d'être aussi créatif que Mozart, encore que sur des voies différentes. Ce fait va à l'encontre de la thèse purement musicale d'Elias. Et ma préoccupation est d'en trouver des explications.

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