Un fou dans l'art
de Jean Albou

critiqué par Septularisen, le 20 janvier 2013
(Luxembourg - 56 ans)


La note:  étoiles
LES CONFESSIONS D'UN SERIAL...COLLECTIONNEUR!
Ce livre est l’autobiographie de M. Jean ALBOU qui durant la décennie 2000 était un des membres les plus influents du cercle très fermé des amateurs/collectionneurs d’art.

Après avoir exercé plusieurs métiers (professeur de philosophie, agent immobilier, gestionnaire de fortune…), il se lance dans le métier de vendeur/collectionneurs d’œuvres d’art.
Grand connaisseur de ce milieu, ami personnel d’Arman de de César, il marchande et réunit pour ses clients, des riches capitaines d’industries, les plus belles collections d’art contemporain d’Europe.
Sa notoriété est sans limites, il côtoie les géants de l’art, marchands, collectionneurs, artistes… Il est invité dans les plus grandes manifestations, les plus grandes galeries, il organise des expositions, est nommé au Comité de Direction d’Artcurial…

Et pourtant Jean ALBOU a un terrible secret, depuis l’âge de 20 ans il consulte psychiatres et psychologues et aucun d’entre eux n’a été capable de poser le bon diagnostic : il souffre de psychose maniaco-dépressive de forme grave, vocable technique de « trouble bipolaire », une instabilités qui fait du même sujet, selon les périodes, un individu passionné ou une personne complétement inerte désertée par la volonté de vivre.
Il va donc pendant des dizaines d’années alterner dépressions récurrentes avec des graves crises maniaques qui l’entraîneront dans les pires excès, jusqu’à chute vertigineuse !...

Écrit dans une langue simple, et accessible à tous, Jean ALBOU outre à parler ici de sa maladie, dénonce sans complaisance le monde auquel il a pourtant appartenu, ses artifices, ses faux-semblants, son exagération, ses brebis galeuses…
Rien ne nous est caché, rien ne nous est épargné, ce qui rend cette confession unique et très intéressante, malgré le fait que M. ALBOU ramène toujours un peu trop tout à sa petite personne, et que parfois on doute un peu de ce qu’il raconte…

Si j’ai été heureux de découvrir dans ce livre l’un ou l’autre artiste que je ne connaissais que de nom, Mark DION, Erik DIETMAN, Chen ZHEN, Timo NASSERI, Adel ABDESSEMED…
J’ai été beaucoup plus déçu par le fait que l’auteur a beau citer beaucoup de noms… la plupart ont aujourd’hui disparu… Jan KRUGIER (1928-2008), Jean FOURNIER (1922-2006), Heinz BERGGRUNEN (1914-2007), Leo CASTELLI (1907-1999), Ileana SONNABEND (1914-2007)… et donc franchement à quoi sert d’en parler !...

Je finirai par un extrait du livre où Jean ALBOU défend le même point de vue que moi sur l’art contemporain (dont j’ai eu l’occasion de parler à de nombreuses reprises quand je critique un livre d’art…) à savoir la valeur marchande absolument insensée de certains artistes d’aujourd’hui alors que certains n’ont même pas atteint la maturité de leur œuvre (quand il n’en sont pas encore au début de leur œuvre…) et qui pourtant à cause de la spéculation qui les entoure, affichent déjà des prix tellement prohibitifs qu’ils en deviennent non seulement impossibles d’acheter pour le commun des collectionneurs, mais même pour les plus grands musées au monde !...

« …En alimentant artificiellement la cote d’artistes talentueux mais néanmoins surévalués, Damien HIRST, Jeff KOONS, Maurizio CATTELAN, Takashi MURAKAMI, et bien d’autres, les maisons de vente et certains marchands se font les complices d’une dangereuse imposture. Si une œuvre de Jeff KOONS vaut vingt millions de dollars aujourd’hui, quel sera son prix dans vingt ans : deux cents millions de dollars? C’est absurde. Tout comme il est aberrant qu’un Jeff KOONS vaille presque aussi cher qu’un REMBRANDT. La hausse de la cote d’un artiste contemporain, si doué soit-il, ne devrait pas être exponentielle, évoluer au gré des modes. Et il serait vertueux de limiter les achats massifs des spéculateurs qui ne sont pas de véritables collectionneurs. La cote d’un PICASSO a mis des dizaines d’années à se consolider. Pourquoi en serait-il autrement des requins dans le formol de Damien HIRST?

J’ai rencontré dans un dîner mondain un de ces collectionneurs riches et boulimiques qui accumulent les œuvres des artistes sur lesquels ils ont jeté leur dévolu. Il m’a énuméré toutes les œuvres qu’il possédait. La liste était interminable.
Puis il a ajouté :
J’ai aussi dix Jeff KOONS.
Je lui ai répondu :
C’est neuf de trop! »…