Un Palais dans les dunes
de Annie Degroote

critiqué par Tistou, le 8 janvier 2013
( - 67 ans)


La note:  étoiles
Saga au Touquet Paris Plage
L’impression très nette qu’Annie Degroote a voulu rendre hommage à un « monument historique » de sa région : l’hôtel Royal Picardy qui fut en son temps, après sa construction en 1929, le plus grand, le plus luxueux hôtel au monde.
Elle a donc greffé une histoire de fille de pêcheurs qui veut s’émanciper – et qui vient donc participer à l’aventure du Royal Picardy (détruit dans les années 60). Cela dit, on pourrait renverser la proposition tant cela est bien fait et bien imbriqué. Un peu linéaire et prévisible toutefois.
Il y a un côté conte de fée dans le destin de Laurette, la petite fille au physique ingrat d’Etaples qui, à 15 ans fait la connaissance de son futur « prince charmant » en la personne de Georges Walter Aston, un aristocrate anglais fortuné qui vient régulièrement prendre l’air du Touquet comme cela se faisait, semble-t-il, à l’époque. Il la sauve, à vrai dire, littéralement de la noyade ; une sacrée prise de connaissance !

« Elle était décidée. La fille des voisins au regard sournois s’était moquée d’elle :
« Tu n’as qu’à essayer ! Tu verras bien ! »
Eh bien, oui, elle allait essayer.
Souvent, elle s’imaginait transformée par une bonne et belle fée, telle la marraine de Cendrillon ou celle de Peau d’Ane, du livre offert par sa propre marraine qui, elle, n’avait rien d’une fée.
Elle était à présent bien installée, coincée contre l’épave ancrée dans le sable. Avec la marée montante, soit elle serait vite engloutie et on ne l’appellerait plus « Laurette la laideronnette », soit, comme dans les contes, un prince charmant surgirait, par miracle, et la sauverait. Et la voisine en serait verte de rage.
De nombreux badauds se risquaient jusqu’ici en promenade, pour contempler ce qu’il restait du vapeur, échoué depuis dix ans, en 1915, au retour de Sydney.
Allait-on la sauver ? Elle attendit.
Des nuages s’amoncelaient. Le ciel s’assombrit. Le temps tournait à l’orage. Elle n’avait pas prévu cela. L’eau devint menaçante, la panique s’empara d’elle. Que faisait-elle ici ? Sa mère lui avait bien interdit… Des promeneurs, il en passait, oui, mais à basse mer. Pas à la marée montante, et encore moins par ce temps. Et si certains flânaient dans les parages, ils n’allaient pas s’éterniser et devaient, en cet instant précis, faire demi-tour…
Non, elle ne voulait pas mourir. Mais l’eau froide avait serré la corde et plus elle essayait de la relâcher, moins elle y arrivait. Elle grelotta. Personne à l’horizon. D’ailleurs, on ne voyait plus l’horizon, avec la tempête qui s’annonçait. Personne ne se hasarderait par un temps pareil. Idiote ! Elle n’était qu’une pauvre idiote de quinze ans. Elle allait se noyer. »

Incidemment, Annie Degroote développe aussi la problématique des jeunes filles pauvres qui n’avaient pas trop le choix de leur destin. En cela, Laurette est précurseur en refusant d’épouser un des marins pêcheurs que sa famille lui destine. Laurette fuit son destin en venant travailler comme femme de chambre pour une amie de Georges Walter Aston, au Royal Picardy, Mrs Foster, qui s’avère une personne méchante, potentiellement jalouse, qui finira par monter une cabale contre Laurette pour se tirer d’un mauvais pas financier. Commencera alors une sale période pour cette fille de pêcheurs chez qui, on ne vole pas mais on ne va pas en prison non plus.
L’ensemble est long quand même, surtout la première moitié, et il vaut mieux avoir de l’appétence pour les romans dits « du terroir ». Ca en a les qualités … et les défauts. Rigueur des détails, de la documentation, mais une certaine naïveté de l’histoire, un certain didactisme. Cela dit « Un palais dans les dunes » n’est pas indigne de votre attention. Loin de là.