Courir avec les Kényans
de Adharanand Finn

critiqué par PPG, le 5 janvier 2013
(Strasbourg - 48 ans)


La note:  étoiles
Vite vite et loin....
L'auteur nous propose ici une immersion dans le village d'Iten, dans la vallée du Rift, au Kenya. Coureur occasionnel et journaliste professionnel, il décide un jour d'amener femme et enfants et d'aller vivre six mois dans ce lieu précité pour tenter de répondre à la question suivante : pourquoi l'immense majorité des coureurs de fond internationaux proviennent de ce coin du monde ? En effet, là-bas, tout coureur "moyen" ferait rougir de jalousie pléthore d'Européens quant aux chronos affichés sur marathon.

Explorant toutes les hypothèses qui tenteraient d'expliquer l'incroyable secret de cette réussite, même les plus minimes voire incongrues (prédispositions génétiques, origines ethniques, habitudes alimentaires, ascétisme, fréquence d'entraînement, course en altitude à 2400 m...) Adharanand Finn s'intègre finalement assez rapidement parmi les coureurs autochtones. Car l'intérêt de ce livre c'est aussi, surtout même, le récit de sa rencontre avec une multitude de coureurs avec lesquels il noue des relations spontanées, parfois amicales, qui permettent de mettre en avant le "système". Il est alors possible de comprendre comment s'est construit ce dernier, comment il a pu et peut encore permettre de mettre en avant ces coureurs (souvent par des centres d'entraînement, fréquemment tenus par des Européens, sorte d'entraîneur-investisseur).
En fait, tout le monde court ; la course étant pour les Kenyans un acte naturel, "subi" dans l'enfance, jamais inutile à l'âge adulte (prendre du temps pour cette activité n'est pas jugé futile, au contraire), avant de pouvoir éventuellement constituer un espoir de réussite sociale pour les meilleurs. Justement, pour ces derniers, il est intéressant d'entrevoir comment ils gèrent leur carrière, souvent éphémère du reste.
Cette étude "ethnographique" n'est pas incompatible pour le lecteur avec les plaisirs d'un exotique certain dans une telle aventure ; pour simple exemple : c'est vrai que participer à un marathon au Kenya, avec des hommes en armes qui protègent le parcours des lions n'est pas courant ! Mais n'en dévoilons pas trop tout de même...

En somme, "Courir avec les Kenyans" est un livre très récent, très plaisant à lire pour tous ceux qui courent (c'est mon cas, je suis marathonien). Mais, à mon avis, il peut l'être aussi pour ceux qui ne pratiquent pas cette discipline car la dimension humaine est très présente. Après cette lecture, sans idéaliser la vie au Kenya, eu égard aux difficultés sociales, on aimerait pourtant bien partager un voyage similaire et courir avec les Kenyans. De cette rencontre, nous ressortirions peut-être empreints d'une nouvelle forme de sagesse, en tout cas d'un autre rapport au monde, d'une autre façon de vivre, d'un autre rapport à son propre corps et l'image que l'on en a.