La Joie de Mo Yan

La Joie de Mo Yan
(Huan le)

Catégorie(s) : Littérature => Asiatique

Critiqué par Myrco, le 30 décembre 2012 (village de l'Orne, Inscrite le 11 juin 2011, 74 ans)
La note : 7 étoiles
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Echapper à la misère à tout prix...

Disons-le d'emblée: ce texte s'inscrit un peu en marge des romans de Mo Yan que j'ai pu lire jusqu'ici. Il se présente comme un monologue sans coupure (176 pages sans chapitres et quasi sans paragraphes) que le "héros" de l'histoire s'adresse à lui-même, à la deuxième personne. Ce procédé, inhabituel chez Mo Yan, nous projette au coeur de la conscience du personnage, de son être le plus intime, au plus près de l'enchaînement et du vagabondage chaotique et décousu de la pensée, tels qu'ils se déroulent dans la réalité, mêlant présent, souvenirs récents ou plus anciens, sensations, rêveries, visions non contrôlées ou réflexions, expression parfois "des désirs les plus secrets, les plus inavouables". Cette écriture, encore très imprégnée de l'influence de Faulkner peut s'avérer, au départ, un peu déroutante.

Pour Qi Wendong, surnommé "yongle" ("Joie éternelle") adulescent de vingt-quatre ans issu d'une famille de paysans pauvres, l'entrée à l'université constitue le seul espoir, la seule échappatoire possible à des conditions d'existence misérables et dégradantes. Or, cette perspective insoutenable de devoir les subir jusqu'au bout se rapproche au fur et à mesure que d'année en année, en classe de révision, il accumule échec sur échec à l'examen. D'humiliation en humiliation, de découragement en désespoir, de plus en plus muré dans sa solitude et son mal être, Yongle va s'acheminer vers un destin sans issue... non sans être passé par un ultime retour à la lumière qui boucle le cycle de la vie (très belles pages finales!) .

Au passage, sur ce fond de Chine rurale de la fin des années 80, sont abordés quelques thèmes ou dénonciations récurrents dans l'oeuvre: politique de planning familial musclée, lourdes taxations pesant sur le dos des paysans, pratiques qui gangrènent la politique locale et le service aux citoyens, comme par exemple l'électricité parcimonieuse distribuée inéquitablement par le bureau d'approvisionnement en fonction de la qualité des pots de vin reçus.

Je ne vous dévoilerai pas à quoi fait référence le titre qui paradoxalement s'inscrit a contrario de la tonalité générale de l'oeuvre, une tonalité glauque largement dominante.
Car dans le vécu de Yongle, la misère est un véritable cloaque: la vermine ronge les corps, tout n'est que fange et boue (voir le récit de la mise en terre lamentable de la jeune fille), émanations toxiques d'insecticides ou odeurs putrides, bestioles considérées comme immondes. Dès lors tout ce qui est associé au travail de la terre se traduit chez lui par une aversion pathologique à la couleur verte, jusqu'à la nausée. L'évocation de la sexualité est souvent teintée de notions de culpabilité et de répulsion, frustrée ou malsaine (le couple mère/fils incestueux).
Bref... un univers trouble, désespérant et relativement monochrome pour une fois, parfois rebutant, mais que véhicule toujours une prose riche d'images et de sensations.

A laisser de côté, me semble-t-il dans une sélection de découverte de l'oeuvre, pour y revenir plus tard assurément.

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