Language and Creativity: The Art of Common Talk
de Ronald Carter

critiqué par Oburoni, le 9 décembre 2012
(Waltham Cross - 41 ans)


La note:  étoiles
L'art de causer
Qu'est-ce qu'être créatif ? Pour beaucoup, le propre d'une poignée de génies isolés et mystérieusement inspirés, aux talents exceptionnels servant des intérêts purement esthétiques.

S'appuyant sur CANCODE (Cambridge And Nottingham Corpus of Discourses in English), une base de données informatisées contenant plusieurs millions d'uttérances en anglais britannique et enregistrées dans divers contextes, le linguiste Ronald Carter balaie cette vison post-Romantique de ce qu'est être créatif pour nous démontrer que, la créativité est en fait le propre de tous et sert des intérêts profondément socioculturels, au-delà du plaisir qu'elle peut procurer.

Les millions de conversations couvertes par CANCODE et sur lesquelles il fait reposer ses analyses montrent ainsi que, nous sommes tous créateurs, livrant performances après performances chaque fois que l'on converse. De la richesse des figures de style et autres jeux avec le langage, jusqu'à certaines caractéristiques métalinguistiques, il insiste : on ne se contente pas seulement d'utiliser le langage, on le crée et recrée aussi constamment. La créativité n'est donc pas le fait d'individus isolés servant des buts purement ornementaux, elle serait en fait aussi un phénomène socioculturel inhérent à tous.

Loin de dévaluer en quoi que ce soit la créativité d'artistes dont les oeuvres ont survécu le test du temps pour, par exemple, devenir des classiques (tout ne se vaut pas !) Ronald Carter nous invite ici au contraire à reconnaitre et évaluer à sa juste valeur la créativité telle qu'elle s'exprime dans nos interactions de tous les jours, pourtant considérées banales et sans intérêts. Une telle approche fait alors plus que d'éclairer d'un oeil nouveau nos conversations. Elle ouvre aussi la voie à de profondes remises en question dans tous les domaines et champs d'étude que la créativité concerne -de la psychologie à l'art et la littérature.

Un livre difficile, lourd en jargon linguistique et au style peu engageant mais qui, pour quiconque veut faire l'effort de le digérer (200 pages ne sont pas si terribles !) fait voler en éclats toute une conception de l'acte de créer, à la fois dans son étendue et ses fonctions. Au-delà de ses lourdeurs académiques, il s'agit donc d'un must pour tous ceux que la notion de création intrigue.