Toilettes pour Femmes
de Marilyn French

critiqué par DE GOUGE, le 25 novembre 2012
(Nantes - 67 ans)


La note:  étoiles
Destins de femmes
Marilyn FRENCH est bien connue comme écrivain(e ?) féministe au sens noble du terme : cet ouvrage foisonnant nous fait pénétrer de l'intérieur, autour du personnage de Mira, les destinées diverses de nombres de femmes attachantes ou exaspérantes mais essayant d'exister ou survivre, selon, dans une Amérique à partir des années 50.
Mira, dont la vie ressemble à celle de M. French, je crois, affronte son propre réel et croise celui d'un grand nombre de femmes, dans un milieu relativement petit- bourgeois blanc puis dans le monde estudiantin.
Elle regarde, essaie de comprendre, d'aider, de se dépasser (non sans douleur) dans un milieu essentiellement prévu pour les hommes, sans sombrer dans la caricature mais en apprenant peu à peu à exister et se faire reconnaître comme femme à part entière.
Les destins qu'elle croise, sont une mine d'enseignements sur une société d'hommes le plus souvent à l'aise dans un rôle immémorial, mais surtout de femmes, qui se complaisent (ou sont emprisonnées) dans leur statut de victimes ou bien, dont la révolte, violente, ne peut résoudre la réalité d'un monde en marche et ou chacun doit apporter sa pierre pour une modification fondamentale des rapports humains.
Du féminisme comme celui de Marylin French, j'en demande tous les jours : sans complaisance, mais sans rejet de l'homme, une étude sociétale avec les moyens d'exister autrement.
Combien de fois l'ai-je lu et combien de fois le relirai-je ?
A chaque fois, je découvre une autre approche positive, réaliste et constructive.
Car, les fondamentaux de notre monde n'ont pas changé à ce point !
Un marathon ! 9 étoiles

Mira se cachait dans les toilettes pour dames. Elle les appelait ainsi, même si quelqu'un avait gratté le mot "dames" sur la plaque de la porte et écrit "femmes" au-dessus.
Mira avait alors 38 ans. Elle avait passé vingt années mariée à Norm. Elle préparait les repas, frottait les planchers, enlevait les poussières. Quand le mari manifestait son désir, elle s'exécutait sans joie et sans plaisir. Deux enfants naquirent de leur union ce qui occasionna une surcharge de travail. Mira comprend alors que sa vie est exclusivement un rôle de bonniche qui doit satisfaire ses employeurs, ses supérieurs, ses maîtres ! Ainsi va la vie dans le rêve américain, qui n'est un rêve que pour la moitié "couillue" de la population. Mira a le confus sentiment que la seule façon de vivre c'est supporter et l'histoire pourrait continuer ainsi longtemps. Mais voilà, le mari se sent des ailes pour découvrir une fille plus jeune, plus jolie, qui a tout ce que Mira n'a pas. Le couple divorce, Mira s'en sort presque bien financièrement. Beaucoup de ses amies n'ont pas eu cette chance ; certaines finissent en institution psychiatrique, d'autre dans la misère.

Voici donc la vision de l’auteure : Pour la jeune fille prête au mariage, le sexe et l'amour constituent une partie du grand sac à provisions des jolies choses qu'elle n'aurait jamais les moyens de se payer. Elle se vend à son mari en sachant parfaitement bien ce qu'elle faisait et avec quelles intentions honorables. Elle remplit amplement la part de son contrat. Elle est conjointe, servante et poulinière et lui la payait pour ses services. Elle était fidèle, puisque c'était une condition du marché.

En 1977, le livre a immédiatement rencontré un immense succès et a lancé la carrière de militante féministe de Marilyn French.
Il ne s’agit pas d’un livre autobiographique mais on peut noter plusieurs similitudes avec la vie de l’auteure dont le fait qu’elle ait divorcé et qu’elle ait étudié à Harvard.
j'ai eu quelques soucis avec ce texte. Un manque de cadence, quelques lacunes de traduction et puis en quarante ans les techniques de narration ont changé. L'auteure a tricoté un labyrinthe, mais un fouillis bien agencé.
Pas facile à lire ce bijou, pas facile d'être à la hauteur car c'est puissant ce qui est là écrit. J'ai eu dans ma lecture des envies d’abandon et cela aurait dommage.
A lire quand on se sent prêt à tenter un marathon !

Monocle - tournai - 64 ans - 24 décembre 2019