L'hurluberlu ou la philosophie sur un toit
de Georges Picard

critiqué par Sissi, le 21 novembre 2012
(Besançon - 53 ans)


La note:  étoiles
Un baron perché des temps modernes
« Hurluberlu : Personne extravagante, qui parle et agit d’une manière bizarre, inconsidérée. Le Robert.

Depuis longtemps, j’ai une réputation d’hurluberlu. Etre considéré ainsi n’a rien de dégradant. L’hurluberlu est un personnage plutôt sympathique dans notre folklore social. Il n’agit pas comme tout le monde, il ne comprend pas le langage commun, il vit dans un monde parallèle. Dans le meilleur des cas, il ne porte tort à personne et n’abîme que sa propre réputation ».

Ainsi se présente notre atypique narrateur, qui vit sur un toit et contemple le monde d’un air un peu désabusé.
Non pas qu’il le rejette, ce monde, il (le narrateur) fait d’ailleurs tout au long du livre des rencontres pittoresques, va dans les musées, lit beaucoup, mais il préfère rester un peu à l’écart d’une espèce d’uniformisation des êtres qui caractérise la société d’aujourd’hui et que notre hurluberlu exècre.

« Le collectif est devenu aujourd’hui un filet de conformisme. Plutôt que de me battre dans ses rets, je préfère m’ébattre dans les marges, les recoins, les territoires qu’il ignore ou méprise ».

« […] on ne peut pas vivre sur un rocher. Mais on peut bien s’arranger pour vivre en misanthrope modéré ».

En fait, il n’a pas envie de se contenter d’être vivant au sens propre du terme « Je préfère être couché dans un cercueil que le trimbaler sur mon dos », il aspire à vivre, et vraiment. Et cela implique nécessairement une certaine démarcation pour faire preuve d’originalité, pour affirmer sa singularité, ça signifie aussi qu'il faut oser sans complexe la facétie, enfin qu'il est impératif de faire certains pieds de nez, ne serait-ce qu’aux mots, puisque « le langage social tue le plus souvent la langue intérieure ».
Adepte du jeu de mots et de la cocasserie, l’hurluberlu revendique fortement le droit à la dérision : « Comme le monde serait ennuyeux si on se contentait de le prendre au pied de la lettre ! »

Véritable plaidoyer pour une autre philosophe de vie, pour la fantaisie, avec un sens de la formule incroyable, (« Il y a bien d’autres types en moi que je ne veux pas connaître. Tous les jours, j’en assassine un ou deux ») ce texte vif, alerte, à la fois désenchanté mais surtout plein d’allant, bouscule et réveille l’être unique et formidable qui sommeille souvent un peu trop au fond de chacun d’entre nous pour mieux se fondre dans une masse assoupie…

C’est en tout cas ce que j’ai lu. Mais… « Après tout, les mots ne sont que ce que l’on en fait ».