Des arbres à abattre: Une irritation
de Thomas Bernhard

critiqué par Dirlandaise, le 10 novembre 2012
(Québec - 68 ans)


La note:  étoiles
Requiem pour Joana
Lors des obsèques de Joana, une ancienne amie écrivaine qui vient de se suicider, Thomas Bernhard âgé de cinquante-deux-ans, fait la rencontre du couple Auersberger qu’il a connu lors de sa jeunesse. Lui est un musicien de génie et elle une merveilleuse chanteuse. Bernhard accepte leur invitation de se joindre à un dîner artistique que le couple donne en l’honneur d’un comédien célèbre du Burgtheater mais lorsque la soirée débute, il ne tarde pas à regretter sa décision. En ancien habitué de la maison, Bernhard décide de participer au dîner en tant qu’observateur, bien calé dans son fauteuil à oreille préféré situé dans l’antichambre de la somptueuse demeure viennoise des Auersberger. Assis dans ce fauteuil, il observe les gens et pose sur eux un jugement aussi cruel qu’impitoyable. Il n’épargne personne et s’acharne particulièrement sur le couple Auersberger et sur deux femmes écrivaines : Jeannie Billroth qui se prend pour Virginia Woolf et Anna Schreker malade de Marianne Moore et Gertrude Stein. Les jugements de Thomas Bernhard sont très durs envers tous ces gens qu’il a connus dans sa jeunesse et qui ont suscité son admiration à l’époque mais qui sont devenus avec le temps des personnages grotesques, soumis à l’État et n’ayant rien fait de valable au cours de leur carrière. Si Bernhard déteste son entourage, celui-ci le lui rend bien et il suscite la haine autour de lui. Il prend plaisir à blesser la Auersberger en faisant étalage de sa mauvaise humeur et de son mépris envers elle et son ivrogne de mari. L’arrivée du comédien est tout un événement mais Bernhard a vite fait de lui trouver des défauts et de le remettre à sa juste place. Plus le dîner avance et plus l’époux Auersberger, ivre mort, commet bourdes sur bourdes et tout cela tourne au chaos le plus total, décrit avec toute la méchanceté dont l’auteur est capable. Et sur ce désastre plane l'ombre de Joana qui imprègne l'atmosphère d'une sombre tristesse et d'une fade nostalgie.

Un livre hallucinant, un autre chef-d’œuvre du grand écrivain dont le dégoût envers la société artistique viennoise n’a d’égal que l’amertume dont il fait montre face à l’échec de sa vie et de celle des autres.

« Être artiste en Autriche, cela signifie dans la plupart des cas se mettre à la disposition de l’État quel qu’il soit et se laisser entretenir par lui jusqu’à la fin de ses jours. La voie de l’artiste autrichien, aussi fréquentée que tortueuse, est celle de l’opportunisme, une voie pavée de bourses d’État et de prix, jonchée de médailles et de distinctions honorifiques et qui s’achève dans une tombe honorifique au cimetière. »
Avertissement : une écriture véritablement destinée à une certaine (?) société "diplomate" (hypocrite) 4 étoiles

[Spoiler]
Dans le fauteuil-à-oreilles le narrateur, bien installé sur ce fauteuil-à-oreilles, contemplait depuis le fauteuil-à-oreilles l'assistance immondemment bourgeoise dans ces défauts communautaires les plus hypocrites et abjects, tour-à-tour serein et bancal dans ce fauteuil-à-oreilles... Jusqu'à l'affreux drame : pétage de fusible verbal d'au moins quatre secondes !
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Et béh, pas inintéressant, mais on aurait pu faire plus court pour ce peu de contenu. La traduction est peut-être pour quelque chose dans mon dégoût de ce livre.
A noter, mais ce n'est expliqué nulle part que "fauteuil à oreilles" signifierait une pelle à enterrer les déserteurs, en autrichien. Ce qui ajoute un sens par rapport à ma première lecture. Cela étant dit, la répétition de ce nom commun composé quatre fois par pages ne me paraît pas des plus judicieuse pour la légèreté de la lecture, d'autant que le reste du contenu est assez pauvre.

J'ai tout de même voulu connaître la fin.

Spit - - 49 ans - 30 juillet 2014