Laisser les cendres s'envoler de Nathalie Rheims

Laisser les cendres s'envoler de Nathalie Rheims

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Kreen78, le 8 novembre 2012 (Limours, Inscrite le 11 septembre 2004, 45 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (12 632ème position).
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Entrez dans la vie de Nathalie

Je me suis remise à lire à l’âge de 25 ans, il y a de cela 9 ans. J’ai, à ce moment-là, découvert un tas d’auteurs. J’avais bien entendu parler de Nathalie Rheims, j’avais très envie de lire ses romans, mais je ne l’ai jamais fait. Ce partenariat me permet d’y remédier, et j’en remercie chaleureusement Les Editions Léo Scheer et Le Club de Lecture.
Je ne sais pas si c’est la meilleure entrée en matière que de découvrir Nathalie Rheims par sa vie si personnelle (d’ailleurs je me demande pourquoi ce livre est qualifié comme « roman » car il s’agit là de faits réels, enfin c’est ce que j’en ai lu), mais je peux en tout cas assurer que j’ai passé un excellent moment en sa compagnie. Enfin, excellent… Ce serait plutôt « poignant »et « triste » qui seraient plus appropriés.

Je fais aujourd’hui partie des lecteurs qui ont eu le privilège d’entrer dans sa vie, d’en connaître une partie, et pas des moindres : elle nous fait part, d’une façon intense, de sa relation avec sa mère : conflits, exigences, refus, et des coutumes qu’exerçaient les membres de sa famille. Toute femme devait se montrer forte et dure, ne rien laisser paraître. Nathalie Rheims en aura souffert très tôt, et ne sera jamais guérie de cette mère absente, blessante, ignorant son enfant qui avait tant besoin d’elle. Ce mal-être fera prendre conscience à l’auteure qu’elle ne sera pas en mesure d’enfanter un jour, qu’elle se doit de stopper cette affliction qui suit les générations de sa famille.

Je n’ai vraiment rien à redire sur ce que j’ai lu. Nathalie Rheims a une plume qui me ravit, et qui me dit une fois encore que je dois lire ses autres romans. J’aime sa façon de nous faire partager sa peine, elle a réussi à m’impliquer totalement dans son enfance, sa douleur au fil des ans. Je comprends toutes ses questions, que peut-être elle n’a envisagé les choses que de son point de vue… Mais après, les ressentis qu’elle a eu depuis si jeune n’auraient pas dû exister, sa mère aurait dû comprendre et toujours être là pour elle… Je n’ai pu que compatir à sa douleur, qui malheureusement ne la quittera jamais. Une mère est ce qu’il y a de plus précieux au monde, elle est le pilier de son enfant, encore plus que le père, et l’enfant doit pouvoir se reposer sur sa mère.

Nathalie Rheims a toute ma considération. Et elle m’a encore plongée dans mes songes… Depuis quelques années, je me rends compte qu’il n’y a pas tant d’enfants (devenus adultes aujourd’hui) qui ont eu une jeunesse heureuse. Et vraiment ça me désole… Et me fait espérer que tous ces enfants, adultes d’aujourd’hui, réussiront à inverser la donne…

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Les éditions

  • Laisser les cendres s'envoler [Texte imprimé], roman Nathalie Rheims
    de Rheims, Nathalie
    Leo Scheer
    ISBN : 9782756103921 ; 19,00 € ; 22/08/2012 ; 254 p. ; Broché
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Un terrible cri de souffrance !

9 étoiles

Critique de Pascale Ew. (, Inscrite le 8 septembre 2006, 56 ans) - 25 octobre 2013

Nathalie Rheims évoque les liens (ou plutôt les non-liens) avec sa mère. Le manque d’amour manifesté par cette mère qui la délaisssait a privé l’auteure de tout et cette dernière exprime ses difficultés immenses à se construire sur ce manque. Le poids des non-dits érigés en éducation et le souci des apparences avant tout ont établi des ravins infranchissables entre les personnes de sa famille si riche mais si indigente dans l’expression de ses sentiments. Elle a même été jusqu’à vouloir disparaître complètement, ce qu’elle a exprimé par l’anorexie, mais cela n’a pas fait réagir sa mère pour autant. Nathalie Rheims impute pour une bonne part la faute de l’abandon au beau-père, qu’elle nomme l’Artiste, avec qui elle ne s’est jamais entendue. (D’ailleurs, l’auteure ne cite jamais personne nommément, même si tout le monde sait de qui il s’agit ou peut le trouver.) Elle explique qu’il lui a ensuite fallu rebondir, pour survivre, trouver d’autres raisons de vivre que la vengeance, dépasser sa peur de l’abandon avant d’oser aimer.
Ce « roman » (pourquoi l’appeler ainsi puisque ce n’en est pas un ?) est écrit d’une traite, sans chapitres. Il est bouleversant !

LES CENDRES ET LES DIAMANTS

7 étoiles

Critique de TRIEB (BOULOGNE-BILLANCOURT, Inscrit le 18 avril 2012, 72 ans) - 12 décembre 2012

Comment amortir le choc consécutif au départ d’une mère du foyer familial lorsque l’on est âgée de 13 ans, et que l’on appartient à l’une des familles les plus prestigieuses d’Europe, les Rothschild, dont on découvre sans peine l’identité dans le récit de Nathalie Rheims « Laisser les cendres s’envoler », sans qu’elle mentionne leur nom dans l’ouvrage.
Le titre aurait pu être libellé à l’impératif, c’est l’infinitif du verbe qui est retenu, pour une raison simple : ce travail de deuil de la disparition de sa mère a été long, douloureux, source de recherches sur sa famille, sur les pratiques de cette dernière, sur ses ascendants. Il s’impose comme un constat à la fin du livre, et non comme un impératif.
Ainsi, Nathalie Rheims nous suggère-t-elle que sa mère, enfant elle –même issue du remariage de son grand-père, aurait été fragilisée dans l’atteinte de son propre équilibre affectif. Ce dernier , sa mère semble l’atteindre en tombant amoureuse d’un peintre prétendument avant-gardiste dont Nathalie Rheims tourne en dérision les prétentions, l’arrogance intellectuelle , et surtout la place qu’il prend dans la vie de sa mère , excessive à ses yeux , car provoquant son exclusion affective de la famille .
Il y a dans le récit de Nathalie Rheims toute une description des mœurs, pratiques et jugements engendrés par l’appartenance à ce milieu, celui de la haute bourgeoise financière, ainsi, de l’utilisation du silence en lieu et place de l’échange : « Ce qui était important était mis sous embargo et plus les événements méritaient que l’on en discute moins on en discutait. Parler n’était qu’un signe de faiblesse, la pratique d’un monde qui n’était pas le nôtre. »

L’auteur évoque également une autre source de souffrances personnelles, celle de la corruption des sentiments, après avoir appris qu’elle était déshéritée : « Non, ce n’était pas l’aspect matériel qui me hantait, cette tromperie-là me semblait dérisoire et mesquine, ce qui me blessait, c’était la fraude des sentiments. »

Nathalie Rheims traverse de multiples épreuves pour surmonter cet abandon : une vie matérielle précaire, une découverte de l’amour tourmentée et douloureuse, l’atteinte de l’anorexie corporelle. Elle énonce que l’éloignement de son milieu d’origine l’a délivrée d’une dette et du sentiment de culpabilité, étape peut-être décisive pour qu’elle fasse son deuil de cet abandon maternel. Il y a, dans les dernières pages du livre d’intéressantes réflexions sur les comportements des grands financiers: « Devenir le mécène d’un artiste, dont on se dit qu’il accédera à la postérité est un moyen de triompher de la mort. »

Autre constat amer : le pari sur la survenance du pire qu’entretiendraient, selon l’auteure, les financiers : « L’art de prévoir le pire, tel était le savoir-faire à transmettre pour fabriquer ces princes de la finance, et que leur règne se perpétue de père en fils . Le pire, il fallait l’envisager en permanence et ne jamais le perdre de vue. Trouver des moyens pour le voir venir avant les autres. »
Le récit de Nathalie Rheims est empreint de cruauté, de drôlerie parfois, d’amertume, d’une juste distanciation vis-à-vis de ce contentieux familial à la résorption duquel elle nous convie avec délicatesse et justesse. La plume est acérée, les observations pertinentes mais non exemptes d’ironie.

La phrase finale du livre sonne comme un verdict. Evoquant les conséquences du décès de sa mère sur les relations familiales, l’auteure conclut ainsi : « Les uns et les autres se repliaient sur leurs secrets . Tandis qu’elle emportait le sien dans le néant, j’étais devant la tombe de ma mère inconnue. ».
Peut-on être plus clair ?

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