Armadale
de W. Wilkie Collins

critiqué par Pierrequiroule, le 6 mars 2013
(Paris - 43 ans)


La note:  étoiles
Une mystérieuse histoire de doubles
Voici un roman que certains tiennent pour le chef d’œuvre de Collins ! Il y a là 780 pages d’intrigues, de suspense et de renversement de situations dans le plus pur style "collinsien".

Le récit est construit autour d’une situation initiale intéressante : deux jeunes gens portant le même nom et le même prénom sont liés, sans le savoir, par un meurtre sordide impliquant leurs parents. Allan Armadale le blond est d’un naturel aussi ouvert et joyeux que son homonyme est sombre. Quant à Allan le brun, il cache de lourds secrets, à commencer par sa véritable identité. Qu’arrivera-t-il lorsque ces deux jeunes hommes seront mis en présence par le destin ? Est-ce l’amitié ou bien la vengeance qui prendra le dessus ? La Fatalité, incarnée par une splendide femme rousse, parviendra-t-elle à séparer les deux Allan ?

L’intrigue est construite, comme toujours chez Collins, avec minutie. Chaque évènement, chaque personnage a son rôle à jouer. Les personnages secondaires sont d’ailleurs très vivants et ajoutent de la profondeur au roman, comme le major Milroy, obsédé par sa pendule mécanique, ou encore Mr Bashwood, un vieillard timide qui se métamorphose sous l’effet de la passion.

La psychologie joue ici un grand rôle: les personnages doivent faire face à des dilemmes en choisissant l’ami ou la femme, l’amour ou le profit, la tentatrice ou la jeune fille sincère. Comme toujours, Collins utilise ici une technique narrative qui permet de varier les points de vue: il alterne récit à la 3ème personne, lettres et journal intime. La plupart des protagonistes évoluent au fil des pages, comme par Miss Gwilt, l’intrigante, la diabolique, dont l’auteur nous montre toutefois un côté humain.

L’atmosphère de la petite ville des Thorpe-Ambrose contribue au charme du roman. Quant aux paysages, ce sont tantôt les ruelles sombres des faubourgs, tantôt les Broads du Norfolk, de magnifiques lacs que Collins a lui-même vus au cours de ses voyages et dont il a su traduire l’éclat paisible.

Quand il s’agit de droit, de géographie ou de chimie, Collins effectue une recherche documentaire et interroge des experts pour rendre son récit plus vraisemblable. Ce côté érudit transparaît par exemple lorsqu’il décrit une méthode d’empoisonnement au gaz ou évoque les conditions légales d’un mariage dans l’Angleterre du XIXème.

Les romans de Collins sont donc, non seulement de formidables divertissements, mais aussi des mines d’information sur la société victorienne ! Tous les amateurs de cette époque devraient apprécier !