Le vin de la colère divine de Kenneth Cook

Le vin de la colère divine de Kenneth Cook
(The Wine of God's Anger)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Ellane92, le 7 novembre 2012 (Boulogne-Billancourt, Inscrite le 26 avril 2012, 48 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (13 106ème position).
Visites : 4 241 

"J'ai fait la guerre pour sauver le monde du communisme"

Un jeune engagé est assis dans un bar asiatique, bien décidé à écluser toutes les sortes de bières proposées par l’établissement. En buvant, il réfléchit, ou du moins, il essaie de réfléchir, il ne sait pas trop à quoi, et se plonge dans la série d’évènements qui l’ont conduit à boire ici, dans ce bar, si loin de chez lui et des siens.
A 20 ans, issu d’une famille catholique pratiquante, avec pour père un catholique pratiquant héros de la seconde guerre mondiale, il s’engage dans l’armée par conviction, par idéologie, par utopie : il veut sauver le monde du communisme . Il nous raconte alors sa formation militaire, les exercices, les personnages qu’il côtoie, et aussi ses premières désillusions : personne n’est comme lui, finalement, personne ne veut sauver le monde (il est le seul engagé).
Puis il part en territoire ennemi, avec son lot de gardes, de marches dans la jungle, la chaleur et l’humidité, puis, progressivement, les incursions vers l’horreur, au travers des bombes de napalm et des corps piégés...

Le vin de la colère divine est un roman très court dans lequel on est happé dès les premières lignes puis que l’on vit comme une plongée en apnée et dont on ressort 180 pages plus tard, essoufflé, scotché, abasourdi, groggy.
La tension de l’histoire monte progressivement, au fur et à mesure des 6 chapitres dont se compose le livre. La première partie est légère, ironique, piquante, avec des anecdotes douces-amères sur l’utopie et la naïveté confinant à la bêtise du narrateur et sur l’entrainement militaire. Mais dès ces premières pages, on pressent déjà que le ton va monter, le drame se jouer, l’horreur se montrer. Et on ne se trompe pas : au fur et à mesure de l’avancée dans le livre, le langage devient plus cru et plus violent, s’adaptant aux situations vécues par le héros. Mais Kenneth Cook conserve ce style des premières pages qui m’a tout de suite accroché, avec cet air de pas y toucher, en balançant comme des faits avérés des vérités premières ou des inepties (et avec lui, ce sont souvent les mêmes choses, le tout dépendant du point de vue qu’on adopte).
L’un des grands points forts du livre est de nous faire plonger dans l’intimité psychique d’un anti-héros qu’on ne connait pas (on ne connaitra ni son nom ni sa nationalité en refermant le livre !) pour faire la part belle à ses relations avec les autres. Les personnages secondaires sont extrêmement bien réussis et portent le roman, que ce soit Mick et Mary, au QI frôlant les pâquerettes, le fier lieutenant Roberts, tellement militaire, Karl, sorte de Jiminy Criquet qui vide son chargeur avant l’affrontement pour être sûr de ne tuer personne, ou encore Santi, citadin local, respectueux et amical avec qui il passera une de ses soirées de permission. Et on se trouve donc engoncé dans la psyché de ce « faux militaire » comme il se définit lui-même qui résiste encore et toujours à comprendre, à sortir du carcan dans lequel il se complet, parce que la guerre, ce n’est pas quand un preux chevalier blanc va défier le grand méchant communisme pour sauver le monde, mais la violence et la mort pour la possession de quelques kilomètres carrés de terrains dans la jungle et dont personne ne voudrait pour y vivre. Quant à lui, il n’est finalement qu’un foutu militaire même pas gradé qui essaie de ne pas se prendre dans la figure le napalm qu’envoie l’aviation américaine !
Ce livre traite de sujets universels, il serait dommage de le cantonner à un énième livre sur la guerre, ou sur la guerre du Vietnam (d’ailleurs on ne parle jamais de Vietnamiens, toujours de communistes dans le livre !) qui se positionnerait sur le créneau « Faites l’amour, pas la guerre » (le livre a été publié en 1968).
Non, Kenneth Cook est bien plus malin et au lieu de nous faire la morale, il nous invite à boire, en compagnie de son héros improbable, le vin de la colère divine jusqu’à la lie.

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Le déserteur

8 étoiles

Critique de Poignant (Poitiers, Inscrit le 2 août 2010, 57 ans) - 17 janvier 2014

Fin des années 60. Sage garçon de 20 ans issu d’une famille catholique pratiquante australienne, notre narrateur s’engage dans l’armée avec en ligne de mire le Vietnam.
Ses tous premiers combats dans la jungle vont vite lui faire perdre ses illusions sur la défense de l’occident contre le communisme et la moralité de la guerre …

Je ne connaissais pas encore Kenneth Cook. Cet écrivain australien est plus connu pour ses nouvelles pleines d'humour.
Né en 1929, c’est pour diffuser ses convictions pacifistes de catholique libéral qu’il a écrit ce roman en 1968. Il a ainsi milité contre la position pro-américaine de son gouvernement et de l’église.

La lecture des premières pages m’a fait douter. C’est un pamphlet politique ou un vrai roman?
Heureusement, la seconde réponse s’impose progressivement . C’est même un bon roman, le premier que je connaisse sur le Vietnam, un an avant « Un pour marquer la cadence » de James Crumley.
La montée progressive vers l’horreur, qui se termine par une époustouflante attaque Viet-Cong, est décrite avec maestria alors que les véritables combats font rage. Pas possible d’être alors plus dans l’actualité…
Mais « Le vin de la colère divine » peut sembler fade par rapport à ce qui a été fait ensuite sur le Vietnam. La déferlante cinématographique des «Apocalypse Now» et autres «Full Metal Jacket», la puissance lyrique des écrits de Michael Herr, Tim O’Brien ou Kent Anderson font ressortir un certain académisme, un manque de fureur et de folie.

Sa principale qualité est surtout d'être abordable et facile à lire. C'est le moyen idéal pour faire découvrir aux jeunes de 13-14 ans la guerre du Vietnam et cette «Putain de mort».

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