Les trois colonnes du monde : Un chemin vers l'essentiel
de Benoît Standaert

critiqué par Deashelle, le 30 octobre 2012
(Tervuren - 15 ans)


La note:  étoiles
Un livre ouvert et élevé
Livre érudit qui a la chaleur de l'Amour. Le livre de Benoît Standaert est une belle réédition chez Albin Michel de son livre écrit en néerlandais il y a 25 ans, traduit en français sous le titre «Les trois colonnes du monde: carnet de route du pèlerin du xxie siècle », Paris: Desclée, 1991.

Ce livre, en 2012, est toujours d’actualité, si pas plus encore dans notre monde en recherche de repères. C’est à la fois un livre ouvert (vers tous) et un livre élevé. Car il ouvre des horizons et élève. Surtout en temps de crises, l’homme s’interroge sur l’essentiel. Que garder du monde, quels outils emporter dans sa besace ? David choisit 5 galets lorsqu’il se retire près de la rivière avant de combattre le Philistin. Le livre de Benoît Standaert aide à choisir. Le départ, c’est la notion que « Le monde repose sur trois piliers : la Loi et le culte et les œuvres de miséricorde". Cette sentence, célèbre dans le judaïsme jusqu'à aujourd'hui, est attribuée à un grand-prêtre du IIIe siècle av. J.-C., Simon le Juste. Le premier pilier, c'est la Loi, écrite et orale. Dans la Loi, Dieu se révèle libérateur, créateur, pasteur. Dans la Loi, Israël reçoit son identité de peuple choisi. Son étude est indispensable. Au fil des discussions et des commentaires, se manifeste un grand amour de la sagesse. Suit immédiatement le deuxième pilier : le culte. Pour honorer le Seigneur qui a donné sa Loi, le culte se déploie dans la sanctification du temps (sabbat, fêtes) et des personnes (purification), les sacrifices du Temple, les prières. Enfin, le troisième pilier se tourne vers le prochain : aimer Dieu se vérifie dans l'amour des autres. Visant les individus et la société, les œuvres de miséricorde sont lutte contre l'oppression, solidarité, justice, fraternité. Cet axiome est universel car la triade de l’étude, de la prière (ou de la méditation) et de l’action se retrouve à peu près dans toutes les religions.

Il apparaît que cette triade forme une sorte de dynamique comme une de vis sans fin, ou un pas de danse en trois temps qui entraine vers l’Amour du Christ. Benoît Standaert offre à son lecteur une sorte de grammaire de la méditation. Redécouvrir l’art de la lecture est le premier pas. En apprenant à utiliser les textes, les intérioriser et vivre une parole qui vous nourrit.

L’auteur propose aussi une façon pratique d’organiser des groupes de prière et enfin d’organiser la prière elle-même. Il y voit trois niveaux : la prière non verbale : les « inénarrables » de saint-Paul , « talking tongues » comme on le souligne parfois dans la tradition anglicane. Ensuite la parole qui permet de voir clair en soi. Que la lumière soit ! Le père Benoît n’y voit rien moins qu’un chemin d’optimisme. Et enfin dans la prière il y a parfois quelque chose qui « consume la mémoire, une sorte de feu dévorant.» Il parle de l’expérience mystique qui est un mélange de supplique, d’intercessions et d’action de grâce. De la jubilation : le « Jubileat » de saint-Augustin.

Le troisième pilier, l’action miséricordieuse trouve sa source dans les écrits de saint-Luc, le philosophe de l’amitié qui prône le partage des biens matériels et spirituels. Il s’agit en effet de réinventer la charité à chaque génération. Benoît Standaert termine son ouvrage en commentant plusieurs tableaux de maîtres décrivant l’homme qui lit. Il étudie aussi l’icône d'Andreï Roublev: La Trinité, qui nous offre un horizon ouvert et élevé, nous regarde, nous envisage, nous rassemble et nous interpelle.

Il considère en tout cas que l’urgence de l’Eglise est de recommencer à presque rien. Elle doit refaire l’expérience du désert, être un peuple en marche qui traverse un monde différent en s’appuyant tour à tour sur ces colonnes dynamiques et mouvantes qui vont par trois, le chiffre symbolique de la perfection. Celui des alchimistes, celui des Francs-maçons, du Bouddhisme de l’hindouisme et même des populations amérindiennes. Le nombre des actes fondateurs : la foi, la charité et l’espérance. Et celui des personnages qui chacun symbolisent une colonne dans l’Ancien testament : Moïse pour la lecture de la loi sur la montagne, elle qui apporte la manne à chacun selon ses besoins, Aaron pour la prière devant l’insaisissable nuée, vision d’un dieu transcendant et Myriam, qui par le rocher et l’eau vive, représente l’action d’humanité et d’hospitalité.