L'ombre de la hyène
de Steve Chimombo

critiqué par Débézed, le 29 octobre 2012
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Le rituel tueur
Sigele est appelé par sa belle-sœur à l’hôpital au chevet de son frère à la mode locale, il remarque les plaies aux poignets et aux chevilles de la jeune femme ; son frère décédant rapidement, il organise les funérailles mais s’esquive prestement pour ne pas être obligé, comme lui demande les anciens de la famille, d’accomplir le « kusudzula », le nettoyage rituel de la femme du défunt. Ce rite ancestral consiste en l’accouplement de la veuve avec un membre de la famille ou un professionnel payé spécialement pour effectuer cette mission. Un geste qui permet de rompre le lien de fidélité qui lie la veuve à son ancien mari et ainsi de lui laisser espérer un remariage. Son frère aîné remplace donc Sigele qui, ayant repéré les symptômes de la maladie, n’a pas voulu prendre le risque de la contamination le laissant, avec la mission, à son frère désigné à sa place pour perpétuer la tradition ancestrale. « D’un côté la hyène est purificatrice… la hyène est associée à l’homme qui performe le rite sexuel au nom de la tradition. Mais, dans le conte malawien, la hyène est toujours présentée comme victime de la tricherie. »

Les trois nouvelles – traduites par Kangni Alem - qui constituent ce petit recueil, pourraient former les trois chapitres d’un court roman dans lequel l’auteur explore le destin d’une famille aux prises avec la pandémie du SIDA qui frappe violemment l’Afrique du Sud-ouest notamment. « Les écrivains répondent à la pandémie du sida en l’utilisant comme une source d’inspiration dans leurs poèmes, romans et pièces de théâtre». Steve Chimombo précise clairement : « l’ombre de la hyène est ma propre contribution à cette campagne massive d’éducation du public sur la pandémie ».

« Ce recueil est une étude de cas concrète sur ce qui se passe dans la réalité, » un véritable plaidoyer contre les traditions ancestrales qui survivent encore dans les rites sexuels comme le nettoyage rituel des veuves. Avant de décéder, un mari atteint du sida, contamine sa femme qui transmet la maladie à celui qui la « nettoie » et qui, à son tour transmet le virus à son épouse et à ses autres conquêtes. Un drame foudroyant qui contribue grandement à l’explosion de ce fléau dans cette partie de l’Afrique. Les pouvoirs publics, relayés par les intellectuels, font pressions sur les anciens pour qu’ils transforment cette tradition mortifère en un rituel plus symbolique.

« La mort ne devrait pas être la seule finalité de l’expérience humaine… »