Le négrier de Zanzibar
de Louis Garneray

critiqué par Kostog, le 12 août 2018
( - 51 ans)


La note:  étoiles
Aventures et déveines dans l'océan Indien
En 1802, alors que la paix d'Amiens établit une trève pour quelques mois entre Français et Anglais, le jeune Garneray qui n'a pas vingt ans s'engage à bord de la Petite-Caroline, un navire marchand. Celui-ci se livre au commerce le long des côtes d'Arabie et de l'Inde avant que ne lui arrive fâcheuse aventure…

La partie principale du récit narre l'engagement de Garneray au sein d'un navire négrier qui fait le commerce des esclaves entre Zanzibar et les colonies françaises de l'océan Indien. Là encore, tout se passe de mal en pis et les tragédies le disputent aux événements rocambolesques.

Les livres de Garneray offrent tous les ingrédients prisés par les amateurs de récits maritimes et d'aventures exotiques et se laissent lire avec un très grand plaisir. Ce volume en particulier forme un étonnant témoignage sur la traite négrière dans la partie orientale de l'Afrique. Bien qu'embellissant probablement le rôle qu'il a tenu – Garneray soutient qu'il s'est engagé sur le négrier en ignorant dans quel commerce celui-ci versait -, il ne nous cache rien des différents détails qui ont parsemé cette triste traversée.

A de nombreuses reprises, une certaine naïveté de ton surprendra le lecteur contemporain, Pour certaines espèces animales, Garneray semble avoir des notions assez approximatives de zoologie, ainsi des „tigres“ qu'il dit avoir rencontrés à plusieurs reprises sur la côte est de l'Afrique et à Zanzibar.

Cinq étoiles pour l'aspect historique et aventures et quatre pour l'appréciation globale car Garneray ne cherche pas à faire de la littérature, mais simplement à nous restituer des aventures vécues.
Passionnant 9 étoiles

En 1802, Napoléon ayant signé un traité de paix à Amiens avec l’Angleterre, c’en est fini de la vie de corsaire pour le jeune Louis Garneray, 20 ans. Comme il ne souhaite pas rentrer en France, il s’engage en qualité de lieutenant sous les ordres du capitaine Lafitte sur le brick « La petite Caroline », navire de commerce qui opère sur les côtes de l’Inde. Ils embarquent à leur bord une famille de Portugais qui voyagent avec une très grosse somme d’argent. Mais bientôt les voilà attaqués par un praw de pirates indiens. La bataille navale qui s’engage est des plus rudes et des plus sauvages. Les Français se battent avec l’énergie du désespoir, car ils savent que s’ils sont pris, aucune torture ne leur sera épargnée avant leur exécution. Les pirates tentent de monter à l’abordage. L’équipage parvient à les repousser au prix de très lourdes pertes. Le praw finit par couler. Mais « La petite Caroline » a tellement été endommagée qu’elle tarde pas à l’imiter. Les survivants doivent se réfugier sur une île et même s’y retrancher, car ils se retrouvent très vite aux prises avec d’autres pirates. Ils ne devront leur salut qu’à l'intervention d’un brick britannique qui leur prêtera main forte en y perdant d’ailleurs une partie de son équipage avant de les amener en Inde. Ruiné dans cette affaire, Louis devra s’enrôler comme simple matelot sur un cargo qui lui permettra de rentrer à l’île Bourbon où bien d’autres aventures l’attendront…
« Le négrier de Zanzibar » est le second tome d’une trilogie de récits d’aventures vécues dans les mers du sud. Tout aussi passionnant et agréable à lire que « Corsaire de la République », ce second opus ne se lit pas. Il se dévore, tant les combats, péripéties et rebondissements sont nombreux. Cette fois encore, la réalité dépasse la fiction. Aucun auteur de romans n’aurait pu imaginer pareille succession de naufrages, batailles, et catastrophes en tous genres. En plus de l’agrément apporté par ce récit d’aventures incroyables, le lecteur trouvera un intérêt plus historique sur la vie des équipages au tout début du XIXè siècle et surtout sur la réalité de la traite négrière du côté de Zanzibar. Celle-ci n’a pas grand-chose à voir avec ce que l’on peut s’imaginer aujourd’hui et même à l’époque (Garneray le souligne lui-même). Et comme son témoignage est de première main, il est difficile de ne pas lui faire confiance quand il explique que cette pratique faisait partie intégrante des us et coutumes africains et ne concernait pas que les prisonniers de guerres tribales. N’importe qui, s’il perdait un procès, pouvait se retrouver du jour au lendemain esclave d’un roitelet africain. Les marchands juifs et arabes n’étaient que des intermédiaires profitant de l’aubaine. Et les Européens ne s’y greffèrent qu’en dernier, en trafiquant avec les « revendeurs » principalement pour peupler leurs nouvelles colonies et les fournir en main d’œuvre. Les chapitres sur la traite du « bois d’ébène » sont les plus émouvants, les plus dramatiques et les plus tragiques quand le navire négrier marqué par une poisse incroyable doit essuyer une révolte des esclaves qui s’imaginent que les Blancs vont les tuer pour boire leur sang ! Ouvrage tellement passionnant que le lecteur se demande pourquoi ces aventures n’ont toujours pas été adaptées au cinéma.

CC.RIDER - - 66 ans - 25 août 2023