Colo : Bray-Dunes 1999
de Dav Guedin (Scénario), Craoman (Dessin)

critiqué par Shelton, le 27 octobre 2012
(Chalon-sur-Saône - 67 ans)


La note:  étoiles
Une pure merveille d'humanité...
Dav Guedin est un auteur de bandes dessinées que vous ne connaissez probablement pas encore. Deviendra-t-il l’auteur le plus connu, le plus vendu et lu, dans les semaines à venir, c’est, malheureusement pour lui, peu envisageable… Et, pourtant, son travail Colo, Bray-Dunes 1999 est pour moi une grande révélation !

Je dois avouer que je n’avais pas repéré cette bande dessinée dans les « à paraître » des maisons d’éditions. La couverture ne m’attirait pas, je ne la trouve pas si bonne d’ailleurs en comparaison du contenu et j’ai mis beaucoup de temps à comprendre que ce sont des pilules et gélules qui entourent la tête de cet homme, une tête sans corps… A priori, pas attirant !

C’est une amie qui m’a conseillé de lire cette bande dessinée, ce roman graphique, ce témoignage. Oui, c’est d’ailleurs plus le mot témoignage qui conviendrait puisque ce récit est celui d’un jeune homme qui va être moniteur de colonie de vacances durant l’été 1999 pour un groupe d’adultes handicapés physiques et mentaux. Nous sommes dans le Nord de la France, à Bray Dunes…

« Je voulais faire quelque chose d’utile, qu’au moins une fois dans ma vie je serve à quelque chose ». Pour servir, c’est sûr, il va le faire. Ce n’est pas rien durant des vacances que de s’occuper de personnes si différentes…

Le choc va être rude, mais il va tenir bon, jusqu’au bout. De cette expérience, après une longue mise à distance, il va faire une bande dessinée avec un autre dessinateur, Craoman. A deux, ils vont nous immerger dans un univers bien réel et pas toujours très rose… Le récit est illustré par Craoman, mais Dav a inclus entre les chapitres des portraits des différents participants à la colonie…

Il y aura tout d’abord la rencontre avec les autres animateurs. Chacun est différent de l’autre et les motivations sont parfois diamétralement opposées. Comment faire travailler tout ce monde ensemble ? Possible si chacun y met du sien et on mesure la difficulté au fur et à mesure des scènes décrites. Le tout est aggravé par le manque d’intimité des moniteurs. Du coup, c’est encore plus difficile à vivre…

La seconde grande difficulté est dans la vie quotidienne avec ces adultes qu’il faut laver, coucher, surveiller, emmener aux toilettes… Oui, pour Dav, il y a là quelque chose de terrible. Il ne supporte que très mal d’avoir à gérer ces éléments de l’intimité, de l’hygiène… et, pourtant, il va relever le défi, et arrivera à s’en sortir… mais il s’en souvient encore !

Enfin, il faudra tenir, jour après jour. Trouver des occupations qui plaisent à ces vacanciers d’un autre genre n’est pas simple. La plage ? Le soleil ? Chanter ? Une séance de cinéma ? Jouer aux cartes ? Tout est possible mais certains s’ennuient, ne comprennent pas, semblent intouchables…

Il y aura, en fin de récit, la rencontre avec un handicapé mental qui répond à Dav de telle façon qu’il se demande si cet homme ne serait pas enfermé à tort… Mais, là, c’est peut-être Dav qui est abusé car ce genre de situation n’existe pas, non ?

Franchement, un récit bouleversant sur un monde que l’on ne connaît pas beaucoup. Les vacances sont souvent un sujet sexy, très in, avec soleil, montagne et mer, balades et activités, animations et bonheur… Mais c’est aussi une période d’abandon, de solitude, de colonie de ce genre et c’est une très bonne chose d’avoir ce témoignage en bande dessinée, donc accessible au plus grand nombre… félicitation à Dav d’avoir voulu, l’espace d’un été, donner du sens à sa vie et de nous raconter tout cela avec tant d’humanisme ! Une très belle bande dessinée à lire toute affaire cessante !!!