Crilence
de Eve de Laudec

critiqué par FROISSART, le 13 octobre 2012
(St Paul - 76 ans)


La note:  étoiles
Le commentaire de Patryck Froissart
Titre: Crilence

Auteur: Eve de Laudec

Editions Claire Lorrain (août 2012)

ISBN: 979-10-90280-10-6

58 pages

''Crilence!"
Le cri que lance ici Eve de Laudec retentit en écho de page en page et traverse chacun des textes que recueille cet ouvrage.

Eve de Laudec, on le devine à ce titre plurisémique, triture les mots, les torture, les hache, les met en pièces, ramasse les morceaux et les accolle, et les recolle en fonction de ses besoins, parce que, et tous les poètes le comprendront, les mots de la langue usuelle ne la satisfont pas, ne lui suffisent pas, sont trop pauvres de sens, à son sens, à ses sens, pour ce qu'elle veut leur faire dire.

Au frontispice du livre, après ce titre qui sonne, qui tonne dans le désert du monde actuel, pollué par d'assourdissants non-sens, peuplé de foules prosaïques qui n'entendent point, qui ne peuvent entendre la beauté des langages harmonieux, le lecteur est confronté à cette éclatante évidence:

''Donner un sens à ma vie

C'est prendre

Un non-sens interdit"

Le poète, en effet, qui depuis longtemps n'est plus en cour, aujourd'hui, du tout n'a plus cours.
Il n'est même plus maudit, il n'est plus, tout simplement, tout déplorablement, et ses hymnes tout autant que ses lamentations se perdent dans l'indifférence et l'égoïsme du matérialisme contemporain.

''Hurlements de chagrin n'ont plus droit de cité

On doit les étouffer

On ne doit pas gêner

C'est le crilence''


Eve de Laudec le sait, mais cette certitude ne peut l'empêcher de revendiquer la liberté d'imaginer, le droit d'inventer, la latitude de continuer à hurler ses crilences dans les lignes occultes et ouatées du feuillet:

''Laissez-moi s'il vous plaît

Dire des demi-vrais

Raconter des mensonges

Juste des invensonges''

Si les paroles du poète sont pour le vulgus ''juste des invensonges", elles écrivent un monde, qui est le sien, un univers créé, ou recréé, qui existe à partir du moment où le verbe poétique le constitue, et dont personne n'a le droit de contester la réalité.


Patryck Froissart, Tamarin, le 13/10/2012