Contes Bizarres 2
de Bob Boutique

critiqué par Bruxellois, le 8 octobre 2012
( - 78 ans)


La note:  étoiles
Contes bizarres...le retour de la bête!
À chaque nouvelle, le même schéma m’emmène vers un dérapage inattendu et… incontrôlé. Un personnage quelconque, citoyen lambda par excellence, auquel rien ne peut arriver par le fait de sa médiocrité, échoue dans une dérive pratiquement impensable, involontaire et surtout, calamiteuse. L’histoire de la peau de banane expliquée aux nuls.
J’ai beau savoir que ça va déraper dans l’impossible, voire l’absurde, j’ai beau me dire que cette fois, je ne vais pas marcher… mazette ! Arrive… ce qui devait arriver ! Que cela se passe au bout du monde ou dans le parc de Tervuren, le résultat est là : je marche.
Il s’y prend comment, ce diable de Bob, pour captiver son lecteur à chaque coup, avec le même appât ? Le plus rude, c’est que ses personnages sont votre voisin de palier ou pire encore, votre propre reflet dans le miroir, et que leur histoire n’est jamais que le traintrain quotidien de chacun ripé dans une flaque du trottoir de l’existence.
Imaginez un homme normal, en tenue de jogging, qui tourne la tête sur le fessier callipyge d’une Marilyn comme tout un chacun, mais qui poursuit un écureuil dans son trou, au point d’y rester coincé et d’y perdre la vie ! Absurde ? Au premier degré, sans nul doute. Mais Bob Boutique a le don de raconter une histoire, et je finis toujours sa nouvelle avec la même question : et si c’était vrai ?
Avec ses deux recueils Contes Bizarres I et Contes Bizarres II, Bob Boutique signe une étude sans concession de nos frères les hommes, d’autant plus dure qu’elle est piquetée d’une ironie qu’il faut y trouver latente, le tout agrémenté d’une écriture proche de la voix humaine. Il faut l’entendre dire ses récit, à la manière d’un aède, pour mesurer la tessiture de ce grand conteur. Qui pourrait échapper à son œil sagace, qui pourrait sortir indemne de son jugement ? Il vous raconte, sur le ton de la confidence, le quotidien de n’importe qui, avec une foule de détails anodins, et on se demande ce qui va bien pouvoir sortir de ce récit hyper-connu, presque vécu. Jusqu’à la phrase fatidique et pourtant attendue : Et arriva ce qui devait arriver. Là, tout bascule dans l’impensable. Tous les poncifs éclatent en déraison. On n’y croit plus, c’est impossible, c’est dément, c’est à démentir ! Reste qu’après le mot Fin, on n’est plus sûr de rien. L’écureuil qui contemple d’un air triomphant l’énorme cul humain qui dépasse de son terrier, qui vous dit que ce n’est pas arrivé ?
Ma préférence va, dans le premier opus, à « La Grosse », dont la gentillesse en forme de vengeance laisse pantois.
Dans le deuxième, c’est incontestablement à « Il était une fois » que je décerne la palme, pour sa créativité surréaliste.
Point besoin de chercher ici la phrase à rallonge émaillée de vocables dont l’usage ne relève que de lexicologues impénitents, niellée d’anacoluthes et soumise à une contrainte oulipienne (quoique…), exactement comme la présente tirade. C’est dans la simplicité de la langue parlée que se trouve le style de Bob Boutique. Cette écriture directe accentue le côté admissible de ses extravagances, et c’est tout le secret de l’auteur.
Simple, tellement simple qu’il en devient crédible, malgré l’absurdité du récit. Car j’en reviens à ma première idée : l’histoire de la peau de banane marche à tous les coups. Il suffit que la banane ait l’air d’une banane et que le conteur soit doué. C’est le cas.