Mother
de Guillaume Sorel

critiqué par Jean Loup, le 2 décembre 2002
(Vaulx en Velin - 50 ans)


La note:  étoiles
Joli coup de pinceau en mal de scénario
Qu'il me soit permis ici de prêcher pour la paroisse scénaristique.
Certes, Guillaume Sorel a un vrai coup de patte, et graphiquement, "Mother" est plutôt beau. Il y a une utilisation de la couleur savamment réfléchie, avec des scènes entières qui baignent dans un même ton (planches 9 à 11, par exemple) et une visualisation des retours dans le passé aussi intéressante qu'efficace. Le dessin crée une ambiance sombre et oppressante, ce qui cadre parfaitement avec le récit. Voilà pour les éloges.
Mais la BD n'est pas l'illustration, dont elle se distingue par l'existence d'un récit : il ne suffit pas de tenir un pinceau dans le bon sens pour faire un bon album. Guillaume Sorel n'aurait pas dû se lancer seul dans ce "Mother" au thème pourtant prometteur (une mère tyrannique et inhumaine qui harcèle son fils pour qu'il peigne une toile parfaite, ce qui le mène à l'asile où il continue à vivre avec ses obsessions et ses angoisses). Le scénario est confus, mal fichu, presque creux. Les relations entre la mère et le fils ne sont qu'esquissées, ce qui est le comble pour un album de ce type. Il y a beaucoup trop de planches sans texte pour un one shot au format classique : Sorel s'appuie sur ses talents graphiques pour étoffer une histoire qu'il ne parvient pas à mettre en mots. Plusieurs scènes sont incompréhensibles. Un scénario peut être complexe et réussi, mais "Mother" fait dans le flou, plonge dans la perplexité au détriment de l'ambiance, ce qui, en matière de fantastique, est caractéristique d'un échec.
Sorel n'est ni Lovecraft ni Poe, et il s'est montré trop ambitieux pour ce projet qui aurait mérité l'assistance d'un scénariste digne de ce nom. Grosse déception donc : il y a la forme, mais pas le fond.