Faïna
de Elena Botchorichvili

critiqué par Libris québécis, le 16 septembre 2012
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Se marier en pays communiste
Depuis Staline, les chefs politiques, « trop vieux pour retenir leurs pets », se sont succédé avec le même souci de sauvegarder les privilèges qu'ils se sont octroyés au détriment d'une population assujettie à leur débrouillardise pour vivre.

C'est dans ce contexte que la Géorgienne Faïna tente d'assumer sa féminité depuis que ses seins sont apparus à l'été de ses seize ans. Le dilemme devient alors d'ordre matrimonial. Elle doit se marier, voire même avec un « bleu » s'il le faut. Terme plus évocateur que gay. L'héroïne ne remet pas en cause les données de sa culture. Consciencieuse, elle veut se préparer à son futur rôle d'épouse. Et c'est à la lignée maternelle qu'elle s'adresse pour acquérir ce que toute jeune femme devrait savoir. Le silence accueille ses questions les plus légitimes sur le sujet. Comme lui répond sa grand'mère Noutsa : « Les mots, c'est quoi? Du vent! Il faut bien se marier au moins une fois dans sa vie, petite. » Le suspense de cette chronique repose sur la quête d'un mari pour Faïna. Noutsa, vissée à un fauteuil roulant, envoie sa petite-fille assister aux funérailles afin de dénicher, grâce à ses belles « bombes », le jeune homme désireux de s'offrir « le flambeau de son triangle sacré ».

La novella illustre les facettes de la femme géorgienne, implantée dans un terreau politique peu enclin à favoriser sa qualité de vie. Grâce à son caractère festif, Faïna parvient malgré tout à tirer les marrons du feu. Tout est sujet à préparer des libations, en dépit de la pénurie alimentaire, pour ficeler à la famille les candidats au mariage. En somme, il faut agir pour suppléer à l'incurie gouvernementale. C'est ainsi que se justifie le père de Faïna, un médecin amputé, qui pratique dans la clandestinité des avortements sur la table de la cuisine.

Comme immigrante, cette auteure québécoise a accompli un exercice de mémoire pour sceller son sort aux femmes qui l'ont façonnée. Hélas, ses portraits sont trop anecdotiques pour constituer une galerie pertinente de l'âme féminine en Géorgie. Peut-être que la magie de l'écriture poétique est rompue par les effets pervers de la traduction qui empêchent le voile de la mariée de voler au vent.